Quelle chaleur… En même temps, je pourrais enlever mon pull à col roulé mais je n’ose pas… La faute à cette foutue impression sur mon t-shirt : un symbole d’autoroute en blanc sur fond bleu vif, avec écrit "Kraftwerk" au-dessus et "Autobahn" en dessous. Dans un endroit où la fine fleur de la scène garage rock parisienne s’est donnée rendez-vous, cela ferait clairement mauvais genre. La faute de goût est même à portée de mouvement. Car la foule ici présente s’amasse pour recevoir, en ce dimanche de Pâques, la bénédiction du Reverend Horton Heat.
En effet, une fois à l’intérieur de la salle, pas d’erreur sur la destination : une forêt de bananes s’étend à perte de vue. Tous les styles et tous les âges se voient représentés à égalité : banane huilée, banane de garagiste, banane d’employé de bureau, banane timide, banane turgescente, banane grisonnante… Assez peu de bananes juvéniles finalement.
Pourtant, Reverend Horton Heat a lui aussi longtemps fait figure d’OVNI depuis sa signature chez Sub Pop (1992-1995) en pleine période grunge. En apparence seulement car, à l’instar des Butthole Surfers et Meat Puppets avant eux, le Reverend avait inventé une formule révolutionnaire incorporant à une structure rockabilly-country classique des éléments de punk ou de hard rock.
Les premiers instants du show s’avèrent assez jubilatoires. Jim – appelez le juste "Reverend" – Heath a certes un peu vieilli depuis ce fameux cliché ornant The Full Custom Gospel Sounds en 1993, mais n’a rien perdu de sa vivacité ni de sa virtuosité. Ses compères non plus d’ailleurs, Jimbo le contrebassiste notamment. Le premier acte de la prestation se boit comme du petit lait entre tempos survitaminés et rythmes effrénés : le Trabendo exulte de plaisir. A peine regrette-t-on un net assagissement des versions, d’ambiance plus country que psycho.
Le tournant du concert interviendra au bout d’une petite heure lorsque le Reverend choisira de présenter quelques nouvelles compositions. Livrant au passage moult détails sur l’origine et la signification de ces chansons. Offrant du même coup une glorification sans bornes de leur Texas natal et de son mode de vie ancestral. Second degré ? Pas si sûr... L’humour ravageur des débuts – ayant fait objet d’un culte considérable à l’époque – aurait laissé place à une authentique version de redneck ? Dieu soit loué, nous sommes encore loin d’atteindre la vulgarité des bouseux de Deadbolt en première partie … mais quand même.
Depuis quelques titres déjà, le concert file en roue libre. Les titres s’enchaînent moins rapidement, sont trop souvent l’occasion d’inutiles démonstrations techniques et une certaine lassitude commence même à poindre. Du coup, étrangement depuis quelques minutes, j’ai de moins en moins de scrupules à l’idée de revendiquer mon admiration pour les papes teutons de l’électro. Pour l’heure, je vais plutôt aller prendre l’air sur la terrasse. Au retour, Reverend Horton Heat ferraille sur un nouvel ersatz de la grande époque. Et voici que, presque involontairement, je me retrouve prématurément dehors. Pour de bon cette fois, sans remord particulier et avec une tenace et satisfaisante impression de satiété. |