Il est grand temps que cesse en France ce complexe d'infériorité en ce qui concerne la musique. Il faut arrêter de courir après les Beatles, de s'inventer des tares en prétextant que même la pire variété est meilleure ailleurs.
Il faut aussi revendiquer haut et fort le statut d'artisan de nombre de nos artistes locaux, loin des productions "radio-calibrées", aussi tubesques que vide de sens, seulement utiles à enrichir les actionnaires de l'industrie du disque au détriment de la véritable creation artistique. En gros, il faut de temps en temps écouter un peu plus la production locale pour se rendre compte que l'on passe bien souvent à côté de quelques perles musicales trop souvent cachées.
Smooth, même si la reconnaissance arrive peu à peu, est de ces groupes discrets mais efficaces qui, avec ce troisième album, confirme tout le bien qui a déjà été dit sur ces Nantais depuis quelques années.
Ni chanson française aux textes insipides, ni groupe arty qui voudrait réinventer New-York ou Manchester, Smooth joue sans complexe une musique étonnament variée mais cohérente, entre électro et pop, rock et soul se permettant même de faire chanter l'incontournable Dominique A dans la langue de Shakespeare.
Ce titre, "I know", se démarque également par une bien étrange introduction évoquant plus la cold wave de In the nursery que la musique de Dominique A. Pourtant, le titre prend ensuite un virage assez fort pour donner une chanson sombre et pop en même temps.
Capable de beaucoup de choses, Smooth enchaîne les titres comme autant de challenges. Ainsi "The smooth parade", pop brillante et decoincee, précède "Freedom is a road", titre instrumental electro dans lequel débarque un drôle de sample vocal de "Black Betty". De quoi avoir l'air bizarre dit comme cela mais pourtant efficace et bien amené.
"Another life" renoue avec une pop plus légère et tubesque mêlant electro, rythmique un peu funky et voix fluette mais pas effacée, à classer dans une mouvance située entre les Wombats et Pony Pony Run Run.
Mais cela ne suffit pas à classifier Smooth car on trouvera sur l'album des moments soul ("Music" avec la chanteuse Amelie évoque le blues tordu de Moriarty), funk, electro et même de la pop plus "expérimentale" qui pourrait évoquer Hector Zazou ou Ozark Henry comme sur "My body". Quelques morceaux mélangent quant à eux de nombreux genres comme ce curieux mais remarquable "Heart bea(s)t" entre electro, hip hop, new wave (le refrain rappelle Frazier Chorus), reggae et jazz.
Même l'incursion d'Alain Chauvet qui slame sur "Manson", titre aux airs de Massive Attack, en français en une réussite.
On pourra toujours reprocher à Smooth de vouloir trop bien faire en allant caser à la fin de ce bel album des remixes dispensables qui gâchent un peu le plaisir de l'écoute de ce disque qui se suffit pourtant à lui-même. Pour le reste, The Parade est une bonne surprise de plus dans le paysage musical français ! |