Comédie
dramatique de Henrik Ibsen, mise en scène de Nils Öhlund,
avec Féodor Atkine, Olivia Brunaux, Alexis Danavaras,
Emmanuelle Grangé et Bernard Mazzinghi.
Cette saison, Henrik Ibsen truste le haut de l'affiche avec pas moins de cinq versions de sa maison de poupée. Et à chacun sa maison de poupée, article défini ou pas, au singulier ou au pluriel, comme pour Nils Ohlund qui est sans doute celui qui va le plus loin dans le dynamitage de l'oeuvre originale qu'il considère comme une matière première brute qui doit être remodelée et réécrite en la passant par "le filtre de son expérience et de sa sensibilité d'acteur".
Pour sa première mise en scène, il a donc procédé à la traduction et à l'adaptation de cette pièce qu'il conçoit une "chronique de la vie conjugale" dans laquelle la femme est en quête d'émancipation individuelle, dont il a étendu le champ d'intervention à "une étude comportementaliste de l'échantillon sociétal" constitué par les cinq personnages, ce qui paraît bien éloigné du propos de l'auteur qui, loin de dénoncer le statut de la femme ou la condition féminine, aborde un débat plus profond et plus large.
Un débat qui tient à la morale face à des situations de dilemme et de choix, à la confrontation de deux conceptions morales qui illustrent les spécificités de genre qui tiennent à deux bipolarités, le public et le privé, le masculin et le féminin, et dont le personnage central de Nora, qui incarne le paradigme féminin traditionnel, constitue la pierre d'achoppement. Le drame se noue avec la révélation de la vérité et Ibsen désigne une seule voie possible celle de la lucidité qui mène à l'anéantissement de tout ce qui est pour envisager un avenir de liberté.
Cela étant, dans une scénographie conçue par Virginie Leforestier qui semble largement inspirée, jusqu'à la brume derrière la baie vitrée, de celle de Jan Pappelbaum pour le superbe "John Gabriel Borkman" présenté par Thomas Ostermeier au printemps 2009 au Théâtre National de l'Odéon, dans une variante plus "cheap" d'intérieur des années 60 qui évoque un décor de sitcom de l'époque "american way of life" assortie d'une vidéo dispensable, Nils Ohlund donne à voir une comédie bourgeoise dans laquelle les différents protagonistes seraient pris au piège d'un destin implacable personnifié par une femme à la fois victime et manipulatrice.
Cela donne "Une maison de poupées" conçue comme une boîte de Skinner dans laquelle se débattent, sous un éclairage pseudo éthologique, deux femmes et trois hommes, en l'occurrence, cinq bons comédiens, Olivia Brunaux, Féodor Atkine, Emmanuelle Grangé, Alexis Danavaras et Bernard Mazzinghi, livrés à des partitions parfois imperméables. |