"Je ne serais pas avocat l’année prochaine. J’étais un raté". Ce constat de Bafama, jeune étudiant d’Afrique du Sud, est le point de départ du récit de Niq Mhlongo. Présenté sous la forme d’un journal, After Tears nous fait pénétrer, vingt ans après la libération de Mandela, dans le township post-apartheid pour y découvrir le quotidien de personnages que le train d’un renouveau politique a laissé sur le quai.
Bafama porte sur les épaules l’espoir trop lourd d’une communauté qui n’en a plus. Alors, de retour au township et incapable d’affronter la déception des siens, il s’enferre dans le mensonge, achète faux relevé de notes et diplôme… Paradoxe de celui qui porte l’image du raté au milieu d’une communauté où le système D et les arnaques sont érigés en mode de vie, de survie.
Bien loin d’un discours misérabiliste, Niq Mhlongo dénonce les désillusions du post-apartheid sous un jour tendre et drôle, gouailleur et chamarré. Dans un langage métissé, hybride d’anglais, afrikaans, et de dialectes africains, l’auteur campe des personnages bigarrés, attachants dans leurs travers, drôles dans leur misère et des situations surréalistes. Sida, sexe, alcoolisme y sont autant d’éléments prétextes à dédramatiser la cruauté de la réalité. Ce ton atteint son paroxysme avec l’after tears, nuit de réjouissances pour honorer le mort après ses funérailles. C’est l’événement festif, the place to be, moment de joie et de partage. Ce qui passerait en Europe pour un manque de respect est ici une barrière contre le désespoir. Cela remet les choses en place. Nos petits tracas égocentriques en sortent bien mièvres. Un bon réajustement des valeurs. A lire absolument. |