Attention chef d'oeuvre !

En provenance du Nouveau Mexique après un passage par Portland, les Shins ont publié voilà peu un deuxième album, Chutes Too Narrow, ressemblant, chaque jour un peu plus, à un de ces petits miracles pop intemporels jalonnant l'histoire de notre musique.

Trente-quatre minutes, c'est tout le temps nécessaire à James Mercer (également chanteur-guitariste) pour donner sa définition de la pop parfaite quelque part entre les Zombies, Big Star ou les Beach Boys. Compte tenu de sa durée, le disque s'écoute d'une traite avec un plaisir sans cesse renouvelé : pas de single phare, ni quoi que ce soit de conceptuel, juste des mélodies aux accents 60's, d'une incroyable efficacité comme Stuart Murdoch en pondait au début de Belle & Sebastian.

L'approche, quant à elle, n'est pas sans rappeler Forever Changes , le classique de Love de 1967, avec ses délicates intros acoustiques, ses trouvailles à la seconde ou encore ses changements étourdissants aux endroits les plus inattendus. En présence d'une galette de ce calibre, la découverte et l'appropriation se font comme souvent par phases successives.

Lors des premières écoutes, l'oreille est submergée, pénètre sans assimiler cette complexité sonore. Cependant dès le départ, l'album possède cette touche fascinante donnant envie de le rejouer inlassablement, comme une jolie fille que l'on désirerait connaître plus en avant. A la longue, le côte énigmatique de ce Chutes Too Narrow se dissipe quelque peu, sans pour autant livrer tous ses secrets.

Un disque majeur est aisément reconnaissable car même à la centième écoute, il est toujours possible de faire des découvertes : l'intervention d'une trompette, un choeur discret, cette troisième guitare changeant la face d'un titre ... Chutes Too Narrow est de cette trempe.

Suivant les humeurs ou les jours, chacun des dix titres est un jour devenu le plus incroyable : le très Alex Chilton "Fighting In A Sack", la délicate "Pink Bullets" mais avant tout "Saint Simon", lequel n'aurait même pas usurpé sa place sur Odessey & Oracle : arrangements, harmonies, breaks ... tout tient ici de l'authentique génie.

S'il ne fallait retenir que la conclusion, autant dire que ce Chutes Too Narrow des Shins décroche à l'unanimité le titre de disque pop le plus excitant depuis des lustres, disons au bas mot depuis le premier effort des Kingsbury Manx en 2000 ... mais en réalité depuis beaucoup plus encore ...