Comédie
dramatique de Dimitris Dimitriadis, mise en scène de
Giorgio Barberio Corsetti, avec Bruno Boulzaguet, Anne Alvaro,
Maud Le Grevellec, Luc-Antoine Diquéro, Christophe Maltot,
Laurent Pigeonnat, Cécile Bournay et Julien Allou.
Giorgio Barberio Corsetti a puisé dans la distribution de "Gertrude, le cri" de Howard Barker qu'il a monté au début de l'année 2009 pour composer celle de "La ronde au carré", une des pièces de Dimitris Dimitriadis, dramaturge grec, poète, romancier et essayiste, auteur européen au cœur de la saison 2009-2010 du Théâtre National de l'Odéon.
Toute la mécanique de cette pièce repose sur le déterminisme des passions et, en l'espèce, de l'amour dont le corollaire est la possession et, de manière plus politique, le pouvoir, qui, si elle ne peut se concrétiser, conduit inéluctablement à la destruction de l'être-objet aimé, ce que l'auteur illustre à travers quatre intrigues archétypales - l'impossible pardon et la vengeance destructrice d'un mari bafoué, une liaison pinterienne, un Jules et Jim dans le monde gay impitoyable et une impossible bisexualité - le tout sur fond de fausse ronde schnitzlerienne.
Et comme pour "Gertrude", en compagnie de Cristian Taraborrelli pour les décors, le spectacle s'avère une remarquable conceptualisation technique, même pour une pièce qui ressortit essentiellement à l'exercice de style sous forme de farce tragique et grotesque.
Même si certains effets (les chaises volantes, les meubles
suspendus, la paroi souple, le mur-spot de skate-board) restent
spectaculaires malgré leur manque d'originalité, la dimension
architecturale des décors, qui tiennent essentiellement en des
cimaises qui découpent l'espace, est d'autant plus impressionnante
lorsque le spectacle est soumis à une accélération cyclonique
qui entraîne le chevauchement des scènes dans une sorte de bégaiement
à l'envi de la même situation conçues comme autant de variations
infimes qui n'en modifieront pas le dénouement.
Le spectacle sur scène est "spectaculaire" par la direction
d'acteur et le jeu des comédiens, doublé d'une réelle performance
physique, qui évolue dans tous les registres, du minimalisme
à la comédie en passant par le vaudeville, pour s'achever dans
une sorte de néant existentiel où les personnages, à l'image
de Sisyphe, n'en finissent plus de tenter de dévaler un mur
en pente.
Tous sont impeccables. Anne Alvaro incarne avec une vérité dérangeante la déchéance, l'humiliation et la servitude face à un bourreau cynique derrière lequel Luc-Antoine Diquiéro insuffle une humanité elle-aussi très perturbante.
Julien Allouf, jeune comédien issu de la promotion 2009 du CNSAD prête son physique fragile à l'objet du désir face à Cécile Bournay, récemment à l'affiche dans "Terre océane" de Daniel Duris mise en scène par Véronique Bellegarde au Théâtre des Abbesses, en candide logorrhéique, et Christophe Maltot est troublant dans le rôle du rival et de l'homosexuel exclusif. Dans un double rôle également, Laurent Pigeonnat excellent, même dans le surjeu, en homosexuel et en amant dilettante de l'épouse, Maud Le Grevellec condamnée au choix du ni l'un ni l'autre et ami fidèle du mari incarné avec justesse par Bruno Boulzaguet. |