La soirée avait pourtant bien commencé. Chapeautée par les Inrocks, elle nous proposait quatre groupes à découvrir : il devait bien y avoir de quoi plaire dans le lot.
Du bon, il y en a eu : Warpaint, quatuor féminin à monter sur scène sous les sifflements ravis des représentants masculins dans la salle. Elles sont jolies, assurément, mais aussi sacrément talentueuses. Leur post-rock est spectral et sexy, d'une cotonneuse ambiance féminine. Les lignes de guitare et de basse sont simples, minimalistes, hypnotiquement répétitives, juste ce qu'il faut pour valoriser la voix fragile d'Emily Kokal, forte d'une déchirante vulnérabilité.
On retiendra notamment le premier morceau, "Stars", une introduction sortant du noir telle une lumière d'un autre monde, tandis que le dernier "Elephants" conclut le set d'une charge vocale puissante, déconstruite, soutenue d'une batterie au pas lourd.
On est sous le charme de ces demoiselles promises à un bel avenir, dont on attend avec hâte la sortie du premier album cet été.
Après une telle introduction, on ne pouvait qu'espérer le meilleur pour la suite. Hélas c'est tout ce qu'on a fait, espérer...
We Are Wolves, tout d'abord. Trentenaires bedonnants en chapka de fourrure, ou comment s'illusionner d'avoir encore 15 ans, jouant fort du punk dans le garage afin d'énerver au plus haut point ses parents. Spectateur, on se sent plus proches de ces derniers excédés que des rebelles qui prétendent réinventer le rock.
Certes, ça plaît aux quelques alcoolisés qui n'attendent que des guitares à plein volume pour pogotter en tout sens.
Musicalement, en étant sobre, on a du mal à comprendre le buzz que génère le groupe. Ça fait du bruit, on ne saisit pas un traître mot du chanteur, ça devient vite insupportable. L'opinion semble générale : mis à part ceux des imbibés, les applaudissements sont plutôt circonspects.
Surfer Blood, ensuite. Plus calmes, les oreilles sont soulagées. Pop gentillette cette fois-ci, bien vite un peu trop. Ça ressemble à tout pour au final ne ressembler à rien : on y trouve à peu près n'importe quel groupe de pop, des airs de Weezer, Vampire Weekend, certains y reconnaissent du Téléphone dans la guitare, une bonne mélasse d'influences sans qu'il n'en sorte quoique ce soit de révélateur. Aussitôt fini, aussitôt oubliés : Inrockuptibles, sûrement, dispensables, assurément.
The Drums, enfin. Les premières minutes, on se sent rassuré, voilà des mecs ridicules qui assument. Il y a les entrechats du guitariste, il y a les sauts de cabri du chanteur (qui cingle au passage le premier rang par le fouetté du câble de son micro). C'est rock, c'est lascif, musicalement ça fait un peu penser à Morrissey cherchant à imiter Ian Curtis en faisant son tombeur de filles tel un Jim Morisson désintoxiqué. On est appâté dans un premier temps par ce revival énergétique qui fonctionne. Puis on réalise que ça se répète. Beaucoup. Trop. Passé un quart d'heure, on en a marre. On admire le redressement de niveau, mais faire une dizaine de chansons d'une seule et même idée, c'est fort long. Minuit trente, on n'attend pas la fin du concert, on n'en peut plus, on s'en va.
Ce soir était la soirée de l'anti-rock : on a eu les chaussures en croco, les tennis de golf, les Nike d'avant guerre chaussettes retroussées, on aurait dit des nerds frustrés cherchant à prendre leur revanche d'avoir été souffre-douleurs toute leur jeunesse durant. Qu'ils laissent tomber, du rock comme ça, ça n'arrivera jamais à faire remonter leur popularité. Une lumière d'espoir de la soirée, les amazones en rangers de Warpaint, seul nom qu'on retiendra et soulignera : leur évolution sera à surveiller de près.
|