Le Musée des Arts décoratifs propose le premier volume, consacré aux années 70 et 80, d'une exposition rétrospective intitulée Histoire idéale de la mode contemporaine", le terme idéal étant à entendre en terme d'accomplissement par référence avec la représentation utopique dans l'esprit du créateur du modèle de perfection.
Elaborée sous le commissariat de Olivier Saillard, chargé de programmation des expositions Mode et Textile aux Arts Décoratifs, qui en a également conçu la scénographie, dont le titre reprend celui de son ouvrage publié en 2009, propose, elle propose au travers des créations emblématiques de 24 créateurs, non pas tant une synthèse de la mode de ces deux décennies, ni une présentation didactique des changements stylistiques replacés dans leur contexte de l'époque, mais une sélection pour partie subjective avec pour critère non pas l'exhaustivité mais l'inventivité des couturiers.
A côté des grands noms connus du grand public et ceux encore en activité figurent ceux de créateurs à l'audience plus confidentielle et de disparus, pour survoler les années 70 caractérisées par l'émergence du prêt à porter qui, sous l'impulsion des créateurs industriels, vise à la démocratisation de la mode et les années 80 placées sous le signe de la création festive et de la déconstruction du vêtement.
A chacun sa grille de lecture
Parmi
le gotha de la haute couture, le public retrouve les collections
phare de Yves Saint Laurent et Chanel "ressuscitée" par Karl
Lagerfeld et la première d'un petit nouveau, Christian Lacroix,
placée sous le signe du baroque inspiré. Et la doyenne, une
figure tutélaire, Madame Grès qui a débuté en 1935, la virtuose
du jersey et la reine du pli et de la fluidité.
Parmi les héritiers stylistiques de ces "couturières" des
années 30 telle également Madeleine Vionnet, la papesse du drapé,
Marc Audibet et ses tissus extensibles, et Azzedine Alaïa dont
les robes zippées marque les débuts du "body-consciousness".
La maille connaît ses lettres de noblesse en raison de sa fluidité qui est appréciée tant par les héritiers du grand classicisme (Jean Muir) que par ceux qui prônent la liberté du corps et concourent à l'élaboration d'une nouvelle iconographie vestimentaire (Dorothée bis et Sonia Rykiel).
Phénomène des années 70, l'apparition d'une mode jeune pour
les filles des femmes qui s'habillent en haute couture (Ter
et Bantine par Chantal Thomass, Cacharel et Chloé par Karl Lagerfeld).
Dans
les années 80, le dogme de la fluidité symbole de la féminine
connaîtra une double rupture stylistique avec deux tendances
opposées.
D'une part, les architectes du vêtement pour la working girl
(Anne-Marie Beretta), la femme fantasmatique (Thierry Mugler) ou la femme dominatrice (Claude Montana) qui mettent l'accent
sur la rigueur de la structure du vêtement.
D'autre part, les adeptes nippons de la déconstruction du vêtement.
Car
la mode française subit également des influences transfrontalières.
Il y a certes l'arrivée des créateurs italiens, avec Popy Moreni
pour qui le vêtement est un déguisement inspiré de la commedia
dell'arte, et Roméo Gigli, qui oeuvre dans un raffinement viscontien,
d'une créatrice espagnole, Sybilla, mais surtout ceux en provenance
du pays du Soleil levant.
A
la sensualité nouvelle de Issey Miyake et à "l'anti couture"
de Kenzo, succèderont ensuite "le paupérisme sublimé" de Yohji
Yamamoto et le monochromatisme de Comme des garçons de Rei Kawabuko.
Et puis, sont présents les créateurs rock'n'roll chouchous
qui savent saisir l'air du temps avec Jean-Paul Gaultier 80,
l'enfant terrible de la mode, le "Tintin au pays des frous-frous"
comme le surnomme la journaliste Elizabeth Gouslan qui a écrit
sa biographie, et Jean-Charles de Castelbajac, le chantre de
la scène artistique underground des années 80. Le défilé "Les
Rap-pieuses" pour le premier, les créations "hommage" pour le
second.
A suivre donc avec le deuxième épisode... |