Il était fort à craindre que le troisième album de Sophie Hunger, 1983, fût décevant. Pour une raison évidente : avec Monday’s Ghost la chanteuse suisse avait réalisé en 2008 un coup de maître : disque inépuisable dont la profondeur s’est confirmée avec le temps. Il ne s’agissait pas d’un accident (le talent survient aussi par accident), mais d’une preuve de maturité se vérifiant également sur scène. L’affranchissement de Hunger à l’endroit des groupes folks actuels était à ce moment indiscutable. Il était donc difficile pour elle, deux ans après, de faire mieux : approcher cette quasi-perfection eût été un bon objectif.
Les chansons de 1983 sont certes élégantes, mais dès la première écoute on sent qu’elles se situent un niveau en-dessous de l’album précédent : moins d’audace, des mélodies sans éclat, aucun titre ne se détachant réellement de l’ensemble. On pourrait dire qu’il s’agit d’une œuvre inégale, mais c’est le contraire qui se produit : disque égal c’est-à-dire sans aspérités, sans surprise, comme s’il correspondait aux chutes de Monday’s Ghost − titres que la chanteuse n’aurait pas désiré inscrire sur cet album-là à cause de leur faiblesse ; morceaux rangés dans un tiroir, et assemblés à l’occasion d’un nouvel album assez prévisible. Quoique la formule fonctionne par moments, sur des titres comme "1983", "Your Personal Religion", ou "Breaking The Waves". Par contre cette reprise de Noir Désir, "Le Vent Nous Portera", ce titre très classique, et aussi le moins intéressant du groupe français, Sophie Hunger le chante sans conviction, d’une manière neutre. Rien de plus inutile que les reprises faibles, n’apportant rien de plus à l’original.
L’on ne peut tout de même pas reprocher à Sophie Hunger d’avoir sorti ce disque : les fans se réjouiront en attendant la suite (mais un autre disque de cette facture serait pour elle désastreux) ; quant aux autres, les curieux, les impatients, je leur recommande de passer leur chemin, et de réécouter par exemple Hounds Of Love de Kate Bush (1985 !), l’histoire d’en découdre une bonne fois pour toutes avec le génie féminin. |