Il ne semble pas si perturbé au premier abord, Daniel Martin McCormick : c'est avec un sourire qu'il propose aux spectateurs de se lever et de s'approcher de la scène de la Péniche, qu'il préside devant un clavier, accompagné de Jacob Long à la basse, et de Damon Palermo à la batterie. Ne connaissant pas le groupe, on s'attend tout au plus à un concert de rock, peut-être une touche d'électro au synthé, mais on est loin, bien loin de s'imaginer ce que va nous proposer Mi Ami durant cette soirée.
La batterie propose pour support un galop entraînant et régulier, suivi par la basse à la mélodie lancinante et répétitive. Danny s'empare d'une guitare, saisit le micro, et on ne peut qu'assister bouche bée à sa métamorphose. Où est passé ce charmant jeune homme au t-shirt de Bob Marley ? Est-ce vraiment lui, cette pile électrique, qui à l'origine de ces cris suraïgus aux paroles incompréhensibles ?
La musique de ces excentriques droits venus de San Francisco n'est pas à prendre avec des pincettes, elle est violente, brute, explosive. On peut être au premier abord décontenancé voire même rebuté de se faire déverser au visage un tel mélange de bruit saturé et de chant vomitif inhumain, bien loin des standards et conventions auxquelles nos oreilles sont tant habituées.
Mais tout aussi bordélique que la prestation de Mi Ami paraisse, elle n'en manque pas moins de structure : entre des rythmes de danse tribale à la batterie, une basse groove et des pics stridents de guitare qui se réverbèrent sur les hauts-parleurs, chaque composition entremêle ces trois entités en un accord parfait, un chaos bien organisé.
L'atmosphère chauffe très vite dans la Péniche, une machine à fumée aidant à faire monter la température. À moins que ça ne soit le chanteur, qui de ses mouvements frénétiques et spasmodiques réchauffe la salle ? Le public est ravi d'assister à un tel spectacle, débordant d'exubérance et d'exaltation : le moteur d'une telle fournaise, c'est bien sûr Daniel, chanteur survolté, hystérique, possédé.
S'acharnant sur son clavier au point d'en bloquer des touches, s'excitant sur sa guitare à en faire sauter les cordes, fusionnant avec son micro qu'il n'hésite pas à gober, crachant dessus avec verve ses paroles et sa salive, le tout dans des rythmes endiablés, sans jamais s'interrompre un seul instant. C'est viscéral, c'est hypnotique, psychédélique, pour ne pas dire parfois franchement inquiétant.
Le concert aura fini tôt, tant et si bien que ses spectateurs sonnés seront tout ébahis de voir le jour une fois sortis de ce voyage aux enfers. Mi Ami, c'est impossible à décrire, il faut le voir pour le croire : une expérience à vivre, dans le bruit et la sueur. |