D'emblée, les choses se présentent plutôt bien : un trio, formule qui a souvent fait ses preuves en matière d'efficacité dans le rock. Un label mythique : Sub Pop. Cette combinaison rappelle de très bons souvenirs, notamment trois petits gars de Seattle qui mirent fin à l'apathie musicale du début des années 90. On met notre main au feu que les trois jeunes hommes qui composent le trio Male Bonding ont été biberonnés aux riffs simples et efficaces de Kurt Cobain, mais pas que...
Pour leur premier effort, Nothing Hurts, le trio convoque le meilleur du rock indépendant américain des années 90. La tendance est assez nette aux Etats-Unis en ce moment. Après avoir passé dix ans à revisiter les 70's et les 80's, à porter des slims, des vestes cintrées et des cravates, une poignée de jeunes groupes américains viennent chercher des poux à leurs ainés du rock indé des années 90. Des groupes comme Wavves, No Age, Japandroids, Vivian Girls, Dum Dum Girls réconcilient le bruit, l'approximatif et les mélodies qui font mouche. Et ce regain de spontanéité fait un bien fou, quand on voit que les anciens héros des 90's se reforment pour le cachet : chauves, bedonnants, et expédiant des concerts avec l'austérité et la rigueur de fonctionnaires du Ministère des finances. Même Pavement s'est fourvoyé...
Contre toute attente, Male Bonding ne sort ni de Seattle ou de Brooklyn. Ces trois Anglais ont décidé de trahir la cause de la perfide Albion et de jouer aux slackers, ces rockers américains nonchalants mais généralement brillants légions au milieu des années 90. Il y a quinze ans, cela leur aurait attiré l'ire de leurs compatriotes trop occupés à se draper dans l'Union Jack, mais à l'instar des leur collègue de Los Campesinos originaires de Cardiff, Male Bonding rêve d'Amérique. En treize morceaux et 29 minutes, les trois gredins tordent le coup à l'adage "plus c'est long, plus c'est bon". Des chansons courtes, nerveuses et efficaces qui tiennent sur trois accords, des anti solos anthologiques, des "wouh ououou" touchants de naïveté. Sur "All Things This Way", le trio évoque le meilleur Sebadoh (période Bakesale). Mais les nobles références ne s'arrêtent pas là. Bien sûr, on a déjà entendu ces riffs dévastateurs, ces mélodies, ces progressions de barrés chez les Pixies ou Nirvana, dont les fichiers MP3 squattent forcément les disques durs des Male Bonding. Il est cependant difficile d'essayer de résister à ce "T.U.F.F", qui semble tout droit tombé d'une face B de Nirvana circa Bleach. On pourrait citer, en vrac, Dinosaur Jr, les Thugs, Guided By Voices...
Mais limiter Nothing Hurts à un gentil pastiche scolaire du rock des années 90 américain reviendrait à sous estimer un groupe qui possède un talent hors du commun pour les mélodies qui font mouche. La preuve en est sur l'étonnant et mal nommé "Worse to Come", joué débranché, en toute simplicité, accompagné des Vivian Girls aux choeurs. Une des bonnes surprises du premier semestre... |