Difficile d’appréhender cette collaboration studio entre Daniel Johnston et le Beam Orchestra en faisant totalement abstraction de cette folle soirée du 15 avril 2010 au Bataclan. Comme à son habitude, Daniel avait peiné à trouver ses marques en solo. Puis il s’est assis. Et s’est concentré sur son chant tout en lisant les paroles sur le cahier posé devant lui. Rythmé par des intermèdes aussi troublants que gênants de l’orchestre néerlandais, le concert s’intensifie rapidement en réservant comme à son habitude son pesant d’émotions. Avant que les larmes du public ne viennent inonder la salle suite à une poignante version de "True Love Will Find You In The End".
Revenons-en maintenant à ce Beam Me Up!. Tout d’abord, l’idée d’une collaboration entre Daniel Johnston, un des papes du mouvement antifolk, et un orchestre de bal apparaît assez saugrenue. En effet, le minimalisme et le dépouillement des arrangements des chansons du chantre de la culture DIY tranchent avec la différence de registre, la grandiloquence voire parfois la grossièreté du Beam Orchestra. Pourtant, il serait injuste de condamner aussi rapidement et radicalement ce projet. Premier bon point, un mixage futé associé à quelques belles prouesses de notre homme font qu’à aucun moment l’orchestre n’écrase, ni ne relègue la fragile voix de Daniel au second plan. Contre toute attente initiale, le groupe – notamment grâce à une large variété d’instruments (cuivre, cordes, piano) – accentuent le côté épique, donnant du corps et de l’ampleur à la majorité des titres. Après être passé à des arrangements plus léchés, certains de ses héritiers comme Adam Green ou Jeffrey Lewis ont expliqué avoir enfin réalisé leur souhait de toujours en terme de réalisation. S’il en avait eu les moyens à l’époque, Daniel Johnston aurait peut-être également ses comptines arrangé de la sorte ?
Enfin, dernier atout, la track-list de ce Beam Me Up! s’avère magique, piochant dans tous les classiques du bonhomme avec une nette préférence pour les débuts : de l’entame flamboyante avec "Syrup Of Tears" extrait de Fear Yourself écrit à quatre mains avec Mark Linkous, aux extraits de "Fun" en passant pas les inaltérables "Walking The Cow" et "Devil Town". Certainement pas le meilleur disque de Daniel Johnston, mais un éclairage différent sur l’œuvre d’un des songwriters les plus importants de son époque. Pour dire, quelques semaines plus tard en Angleterre, c’est presque à regret que l’on réalise que la montagne d’instruments installés derrière un Daniel Johnston seul à la guitare ne serviront qu’à Jason Pierce et ses sbires pour la relecture de leur classique "Ladies & Gentlemen We Are Floating In Space". |