Réalisé
par Sylvain Chomet. France. Animation.
Durée : 1h20. (Sortie 16 juin 2010)
Ceux qui se plaignent qu'il y ait eu si peu de films de Jacques Tati seront heureux de l'existence de "L'Illusionniste", adaptation en dessin animé d'un scénario non tourné par le créateur de Monsieur Hulot.
En voyant le travail très soigné de Sylvain Chomet, ils seront convaincus que ce passage par l'animation était la bonne idée. En effet, quel acteur aurait pu se mesurer à la longue carcasse faussement malhabile de Jacques Tati, quel comédien aurait eu le génie de retrouver sa douloureuse nonchalance et l'aura de poésie qu'il donnait à tout ce qui l'entourait ?
Quel réalisateur, quant à lui, aurait réussi à filmer comme Tati, dans ce style inimitable de bricoleur où chaque détail compte ?
Dans son précédent film, "Les Triplettes de Belleville", Sylvain Chomet avait montré qu'il était l'héritier d'une tradition très française qui préfère l'artisanat à la fabrication industrielle, les petits personnages aux super héros, les rires et les larmes du quotidien au pathos des grands sentiments. Certes, on pouvait lui reprocher d'être encore dans le "à manière de".
Ici, paradoxalement, c'est en s'appuyant sur la grande ombre de Jacques Tati qu'il construit une œuvre très personnelle. Preuve en est qu'il n'a plus besoin d'accumuler les citations qui alourdissaient ses Triplettes, et que celles qu'il utilise le sont à bon escient, pour apporter un supplément de grâce, comme ce joli moment où le Tati animé se retrouve dans un cinéma face à face avec le vrai Monsieur Hulot sur l'écran dans "Mon Oncle".
En décrivant la fin du monde du Music Hall, avec ses artistes condamnés à la boisson, à la mendicité, ou à la publicité, Tati explorait son thème de prédilection, celui d'une époque perdant son âme et son charme en gagnant en modernité et en progrès technique.
Chomet ne tranche pas sur le sens de l'œuvre de Tati. Passéiste
ou nostalgique, réactionnaire ou mélancolique, elle est l'occasion
pour lui de nous plonger dans un univers onirique écossais dans
lequel les lapins blancs qui mordaient leurs magiciens vieillissants
sont relâchés à leur cœur défendant dans un paysage inattendu
et bleuté. Tout cela pour confirmer que Chomet a mis ses pas
dans les pas poétiques de Tati et que 'L'Illusionniste' procurera
du bonheur aux petits et aux grands qui n'ont pas besoin de
lunettes 3D et d'effets spectaculaires pour passer un bon moment
au cinéma. |