Réalisé
par Benoît Délépine et Gustave Kervern. France. Comédie.
Durée : 1h32. (Sortie 21 avril 2010. Avec Gérard Depardieu, Yolande Moreau, Isabelle Adjani, Anna Mouglalis, Miss Ming et Benoît Poolvoerde.
Depuis 1967 et le court-métrage de Roger Leenhardt "Le Beatnik et le Minet", Gérard Depardieu n’a pas cessé de remplir les écrans. Sa filmographie doit désormais dépasser les deux cents films et, pour améliorer ce record, l’acteur castelroussin est tête d’affiche de la majorité des œuvres dans lesquelles il apparaît.
Il est donc bien normal que le spectateur ait parfois "décroché" et qu’il suive de manière aléatoire cette longue carrière, une des plus fournies du cinéma français. S’il décide de voir où en est arrivé Depardieu, "Mammuth" est le film idéal.
Il retrouvera le héros des "Valseuses" là où il l’a laissé : énorme en tout. La caméra de la doublette Benoît Delépine et Gustave Kervern ne lui épargne rien : gros plans de sa grosse trogne, gros plans de son gros bide.
Acteur physique s’il en est, Depardieu n’a aucune pudeur. Mais cela n’en fait pas un exhibitionniste de lui-même. À l’énormité de son personnage répond la finesse de son jeu d’acteur. Dans ce "road-movie" à moto, Depardieu est confronté à une variété de situations oscillant entre le cocasse et le sordide qui lui permettent de prouver à tout moment qu’il reste toujours un acteur exceptionnel.
Ici, Depardieu fait une entrée triomphale dans un monde cinématographique tout nouveau pour lui, qui n’est pas sans rappeler le cinéma fantastico-social d’Aki Kaurismaki. Cependant, Delépine et Kervern n’ont pas la rigueur stylistique du maître finlandais.
S’ils filment avec l’ambition de dénoncer les ravages de la mondialisation libérale, ils n’hésitent pas à agrémenter leur récit de scènes absurdes qui ne sont pas sans rappeler certains films belges de Jean Bucquoy ou Noël Godin.
D’où, sur l’écran, un mélange réjouissant entre des moments de franchement n’importe quoi et des instants de grâce nés de l’implication d’acteurs tous heureux d’être de l’aventure. On pourra ainsi apercevoir Dick Annegarn en fossoyeur à l’harmonica, Siné en vigneron et Rémy Kolpa Kopoul en vieux forain.
Reste à signaler, outre Yolande Moreau, toujours sublime quand elle s’épile les aisselles, la présence d’Isabelle Adjani, elle aussi transfigurée en fantôme tragique de la jeunesse de Depardieu.
Au final, toute cette énergie aboutit à transcender ce qui, sur le papier, devait ressembler à une pochade alter mondialiste. Comme quoi, un bon sujet brûlant servi par des acteurs convaincus supporte, voire enjolive, une réalisation approximative bricolée par deux sacripants de la mise en scène.
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