Les chansons de Bandwagonesque, important album de Teenage Fanclub sorti au début des années 90, n’ont pas vieilli : cette pop est de celle que nous aimons convoquer dans les périodes de spleen. Des chansons simples mais lumineuses comme il en existe rarement dans une décennie. Pourtant nous avons eu du mal à les accueillir au début, par jalousie sans doute : il était difficile d’accepter qu’un groupe se réclamât aussi ouvertement de Big Star sans arriver jamais à dépasser la caricature. Parce que tous les albums de Teenage Fanclub sont une caricature de Big Star : c’est un peu comme si l’on comparait aujourd’hui le groupe Revolver avec les éternels Beatles. Même échelle de comparaison, mêmes types caricatures, mêmes contrastes. Mais alors pourquoi nous est-il arrivé d’aimer un remake ? Peut-être par nostalgie. Qu’un groupe parvienne à faire resurgir, pour un moment, les éclats d’un temps révolu, cela nous touche. Bandwagonesque, je l’écoutais à cette époque tous les matins dans ma voiture pour aller à l’Université où je faisais semblant de construire une carrière. C’était une musique légère et mélancolique qui me rendait à moi-même, fût-ce pour un court moment. Il était par contre hors de question d’écouter Big Star dans les mêmes conditions : Big Star, comprenez-le, c’était bien trop sérieux pour en avoir un usage léger ; un album comme Third / Sister Lovers était plutôt réservé à nos moments de solitude, où l’exercice de la pensée – le contraire de la dispersion − était le moyen d’atteindre une forme de lucidité (belle opposition entre les deux groupes : la lucidité contre la sagesse ; la brûlure contre la prudence).
Le dernier album de Teenage Fanclub, Shadows, aurait pu également sortir dans les années 90 ; rien n’a véritablement changé : des mélodies claires (et la clarté est, je crois, une des grandes valeurs musicales), des réminiscences hautement bigstariennes, une mélancolie légère : qu’importe si ce disque est moins bon que Bandwagonesque. Aujourd’hui je ne suis plus étudiant, je n’ai plus de voiture, j’ai raté ma carrière professionnelle (dignement ou non, ce n’est pas à moi d’en juger), mais je reste fidèle à ce Rosebud de mes années passées. |