Natalie Merchant a financé elle-même la production de son dernier album, Leave Your Sleep : il en ressort une sincérité musicale et une grande liberté créative. Ce disque est un recueil de chansons composées à partir de poèmes anglais de l’ère victorienne et de textes américains – dont les auteurs principaux sont Robert Louis Stevenson, E.E. Cummings, Chritina Rosseti, Edward Lear, Robert Graves, Gerard Manley Hopkins. La musique quant à elle dépasse le format folk-song pour comprendre le jazz, la country, et de larges influences Klezmer et balkaniques. Pour jouir d’une telle indépendance dans sa démarche artistique, Natalie Merchant a dû compter en partie sur la notoriété de ses 10 000 Maniacs passés ; une notoriété qui lui a donné l’élan nécessaire pour parvenir à préserver son intégrité.
Projet ambitieux, donc, et inépuisable tant ce long album ne cesse de dévoiler à chaque écoute de nouvelles couleurs, de nouvelles strates musicales, jusqu’à en faire une œuvre indispensable. Depuis un mois que je l’écoute, il ne se passe pas une journée sans que je m’y perde : une écoute quotidienne, à la tombée de la nuit, procure la plus grande sérénité. Cet album en renferme une multitude ; et la poésie impose une certaine qualité d’écoute, même si la musique, dense, finit par nous distraire des paroles. Trop de couleurs distraient le spectateur, disait l’autre. Ici l’on peut dire : trop de musique distrait l’auditeur. Et le "trop" signifie un excès de passion – et même dans le plus grand dépouillement instrumental, ce "trop" domine (par exemple sur la magnifique "The Sleepy Giant"). Evidemment on ne peut reprocher à cette musique d’être trop profonde. Il faut réaliser que les disques de ce genre sont aujourd’hui rares. Je parle du genre d’albums dont on sait, dès la première écoute, qu’ils nous suivront longtemps ; et qu’on aime partager avec ceux qui en sont dignes. |