Forts de leur expérience réussie avec "Dark elevator", série loufoque diffusée sur le web qui déclinait de manière humoristique le postulat post-industriel de "l'ascenseur social en panne", la Compagnie Principe actif a élaboré une nouvelle série de divertissement comme miroir de la société.
La thématique, qui puise dans une matière socio-politique particulièrement sensible, le chômage, et le challenge qui tient à développer un nouveau langage dramaturgique intégrant une des novations contemporaines issue de l'explosion d'Internet qu'est l'interpénétration du réel et du virtuel, s'inscrivent de surcroît dans un nouveau concept interactif.
Ainsi "La borne", une série de films fictionnels en 3D de format court de 3 minutes, est
développée dans le cadre d'un projet ambitieux intitulé "Le grand recyclage" qui se présente comme un projet multimédia destiné à être diffusé sur cinq supports - la vidéo, le web, le portable, la radio et le théâtre - et qui réunit un collectif multidisciplinaire d'artistes.
La problématique de "La borne", directement inspirée de la situation actuelle de l'emploi et du traitement du chômage dans une société acculée d'une part à la banqueroute financière et d'autre part soumise aux diktats de production des super-puissances économiques que sont les multinationales, repose sur l'impératif absolu de supprimer l'état même de chômage en recyclant immédiatement - même dans le sens le plus radical du terme - l'employé remercié.
En la forme, si elle s'inspire du gros plan style "photomaton" déjà largement exploité dans des formats courts tels "Caméra café" ou "Les petites annonces" d'Elie Seimoun, elle bénéficie d'une conception graphique performante et séduisante de Anseau Delasalle.
Au fond, le personnage central et récurrent de la série est une borne informatique , une sorte de big brother à la douce voix d'un robot féminin au timbre de lolita mais doté d'un humour cynique et d'un jugement impitoyable à qui Clotilde Morgiève prête sa voix, qui se présente comme l'ANPE de demain, révolutionnaire et hautement performative.
A partir de la judicieuse exploitation d'une banque de données personnelles et d'un test de personnalité et d'aptitudes appropié, elle procède à la réinsertion professionnelle en 3 minutes chrono et surtout au décapage et au décryptage quasi-subliminal, et toujours de manière jubilatoire et subversive, des travers et dérives tant de notre société que de nos contemporains tout en offrant différents niveaux d'interactivité et de d'implication du spectateur.
Aux manettes, à la réalisation et à la mise en scène, Stéphanie Sphyras, réalisatrice et comédienne et Benoît Nguyen Tat metteur scène et comédien , tous deux concepteurs du projet du Grand recyclage et de celui de "La borne" avec le comédien et scénariste Pierre Diot.
Le trio assure également l'écriture des épisodes avec la collaboration des auteurs Jean-Christophe Dollé et Frank Vent de Val, Guillaume Cremonese étant le quatrième mousquetaire concepteur de "La Borne".
Le premier épisode en ligne, sur la trame d'actualité qu'est la politique de la culture, s'avère irrésistiblement drôle et bigrement caustique. En est l'interprète le comédien Denis Podalydès, sociétaire de la Comédie-Française, qui s'est également prêté au jeu de l'auto-dérision en jouant une projection son propre rôle. En 2017, après la privatisation de la Comédie Française, il se retrouve au chômage en raison d'un désaccord musclé avec son nouvel employeur, un magnat du béton. Compte tenu de ses qualités d'acteur, il lui est proposé un poste de... "dénigrateur".
La suite sur le site de "La borne" sur lequel l'nternaute pourra également procéder à une simulation de recyclage personnalisée. |