Comédie de Eugène Labiche, mise en scène de Jean-Claude Sachot, avec Laure Berend, Margareta Bluet, Sylvestre Bourdeau, Philippe Catoire (en alternance Vincent Violette), Gérard Cheylus (en alternance Patrick Compte), Djahiz Gil, Eric Hémon,
Frédéric Morel et Jean-Jacques Nervest.
Monsieur Perrichon, ancien carrossier qui a accédé au grand livre de la rente, l'ascenseur social du 19ème siècle, décide de profiter de l'essor ferroviaire et du développement des villégiatures pour voir le Mont Blanc en famille avec sa tendre épouse et sa jolie fille nubile.
Celle-ci, si elle est totalement godiche, n'en a pas moins déjà deux soupirants, parmi lesquels son choix de coeur est fait, qui vont se joindre au déhotté au cortège familial pour parvenir à leurs fins, non pas tant séduire la donzelle que le pater familias.
Pour entraîner le spectateur dans ce périple trépidant qu'est "Le voyage de Monsieur Perrichon" de Eugène Labiche, qu'il inscrit résolument dans le registre de la comédie de divertissement, la satire sous-jacente s'exprimant seule, Jean-Claude Sachot procède à une hybridation réussie.
Cette dernière résulte du théâtre de tréteaux, avec son petit théâtre au décor de toiles peintes par Aurélien Bédéneau, du feuilleton populaire du 19ème siècle - car ici le séjour alpestre revêt bien les caractères d'une expédition de pieds nickelés entre les vraies et fausses chutes à la Mer de Glace et l'embrouillamini épistolaire avec un commandant des zouaves qui finit par un duel, et du vaudeville dont les couplets sont remplacés par des intermèdes anachroniques de son crû - procédé dont le public raffole et qui, en l'espèce, ne trahit pas l'auteur qui pratiquait la distanciation par l'usage des couplets - qui mêlent, entre autres, le petit train d'Interlude du bon temps de l'ORTF, les chants tyroliens, et Beethoven.
Et les jeunes prétendants font leur cour à coup de tubes du "Love me tender" du King au "Love me" de Polnareff, le tout s'achevant en un tableau de la comédie musicale "That's entertainement".
A cet égard, le trio formé par Laure Berend, parfaite en nunuche ébahie, Sylvestre Bourdeau, très juste en "héros" honnête homme, et Djahiz Gil, en fringant hypocrite est épatant.
Là encore, comme dans toutes les "grandes" pièce de Labiche tout repose sur les épaules du rôle-titre. Et le choix du colosse à la voix de stentor qui sait faire des pointes de danseuse étoile avec une partition irisée en la personne de Jean-Jacques Nervest est particulièrement judicieux. Il donne toute la truculence roborative au personnage sans en occulter les travers si bien épinglés et impulse un rythme d'enfer à tout ce petit monde qui tourne autour de lui.
Margareta Bluet, parfaite dans le rôle de la pragmatique épouse, Vincent Violette, en quémandeur sournois, Patrick Compte, en domestique polyvalent dont une solide Heidi, Eric Hémon en militaire d'opérette doublé d'un amateur de danseuse,
et Frédéric Morel complètent la distribution de ce savoureux spectacle. |