Cinq longs-métrages en copies neuves restaurées : "Le Soupirant", "Yoyo", "Tant qu'on a la santé", "Le Grand amour" et "Pays de cocagne".
Enfin ! Enfin, le revoilà !
On l'imagine tout souriant, dans un smoking à la Mandrake avec haut-de-forme et gants blancs, en train de pointer de sa canne à pommeau l'écran du Max Linder sur lequel il va revivre aussitôt que le noir cinématographique se fera...
Après être venu à bout de ces longues années de tracasseries juridiques qui l'empêchaient de montrer ses films, Pierre Etaix renaît.
Pour beaucoup, ce sera donc une découverte, celle d'un univers pétri de charme et de fantaisie, celle d'un monde délicat où l'on sourit et où l'on s'émeut presque à la même seconde. La découverte, aussi, que Tati n'était pas seul et qu'il y avait un autre malicieux pour reprendre la tradition des burlesques du muet américain, pour rendre hommage aux grands clowns européens et pour lancer des paillettes de poésie sur le support pelliculaire.
Pour les autres, qui n'avaient pas oublié sa maladresse élégante, ses facéties de magicien et sa manière bien à lui de ne pas éclater les bulles de savon et de ne pas crever les ballons de baudruche, ce devrait être une belle madeleine pour les ramener vers cette enfance où le petit Yoyo n'avait cessé de les attendre dans un petit coin discret.
Tous les curieux qui auront la belle idée estivale d'aller voir ses films fraîchement restaurés ne tiqueront pas quand on affirmera ici qu'Etaix appartient à la famille des bienfaiteurs modestes de l'humanité. Pas une once de méchanceté chez cet homme, mais une immense capacité d'aimer et d'admirer qu'il a su, à défaut de pouvoir tourner autant qu'il l'aurait voulu, mettre dans toute sa riche carrière de touche-à-tout. Il aura ainsi rendu hommage à Sacha Guitry dans sa pièce de théâtre, "L'âge de Monsieur est avancé", dessiné de merveilleux "Croquis de Jerry Lewis", participé à moult aventures littéraires avec son copain Jean-Claude Carrière. Adoubé grâce à sa femme Annie Fratellini, il aura été également le plus fidèle compagnon de route du monde du cirque dont toute son œuvre multiforme se nourrit.
Reste que pour le suivre dans ses exercices d'admiration, le terrain de prédilection demeure le grand écran : c'est l'élégance de son maître Max Linder qu'il ressuscite dans "Le Soupirant", ce sont les ombres tristes et gaies de Tati et de Stan Laurel qui parcourent son "Pays de Cocagne".
La meilleure bonne nouvelle de 2010 s'appelle Pierre Etaix. Dans cette époque si oublieuse, il nous rappelle en cinq longs-métrages qu'il y a un ingrédient nécessaire à la vie qu'on doit maintenant réemployer à grande échelle : la poésie.
Ce n'est pas rien ! |