En arrivant à l'heure prévue de début du concert, on se demande quel est le bordel qu'on est en train de nous faire subir, une guitare qui sature, une voix qu'on n'entend pas...
On s'assoit sur le parvis de l'Hôtel de Ville et on attend. On se dit que le terme de bordel est de bon ton puisqu'on reconnaît sur scène les membres de la Maison Tellier, ce qui évoque pour les plus anciens, cent-cinquante ans minimum au compteur, d'agréables moments passés dans une célèbre maison de plaisir de Pigalle, dont quelques pensionnaires sont encore en photo sur les murs du Musée de l'Érotisme. Mais non, heureusement, il ne s'agissait que d'une balance un peu en retard sur l'horaire.
C'est à une quasi-inconnue que revient le privilège d'ouvrir ce septième festival Fnac Indétendances Paris Plages. Lisa Portelli, petite, habillée de noire, les cheveux d'un blond cendré, s'accapare la scène. Seule à la guitare, une voix puissante, c'est sans complexe qu'elle vient chercher le public. Sa première chanson évoque les grands espaces, des personnages écrasés sous le soleil, une atmosphère qu'on a du mal à imaginer alors que les nuages s'accumulent au-dessus de nos têtes.
La voix de Lisa Portelli est puissante, sa présence scénique impressionnante. La rythmique de ses chansons fait mouche. En cinq chansons, elle se met le public dans la poche. Une prestation surprise qui permet d'espérer une suite encore meilleure.
La Maison Tellier arrive en scène avec son folk d'Amérique et ses balades texanes rêvés depuis les côtes normandes.
On pense à Calexico lorsque la trompette mariachi résonne. Après "L'Art de la Fugue", c'est sous un ciel de plus en plus noir qu'ils commencent "La Peste". Chanter "La peste est de retour" sur le parvis de l'Hôtel de Ville à Paris, rappelle que Fred Vargas situait l'action de son livre Pars vite et reviens tard déjà dans ce quartier. La Maison Tellier finit son concert devant un parvis qui commence à se remplir. Le temps menaçant semble avoir effrayé plus d'un parisien.
C'est ensuite au tour de Féloche de venir défendre son album La vie cajun. Avec son groupe dans lequel se mêlent les ingrédients de la musique arcadienne, mandoline, accordéon, violon et contrebasse, il raconte des histoires du bayou urbain.
Un concert qui après le Texas de la Maison Tellier, nous emmène donc plutôt en Nouvelle-Orléans. Les membres du groupe affublés de masques d'animaux, des totems sur scène, le public est surpris mais semble séduit par ce grand échalas dont les chansons sont un sacré antidote contre la morosité.
Féloche, révélation Fair 2010 a le mérite de sortir des sentiers battus, quitte à ne pas plaire à tout le monde.
Plus punchy sur scène que sur disque, Bazbaz propose un reggae qui se veut inspiré par Gainsbourg période gainsbarre, jusque dans le jeans et la veste en jeans qu'il porte en scène. Mais on ne retrouve pas chez Bazbaz, ce qui rendait l'attitude et les chansons du grand Serge, à la fois impertinentes et sensuelles. Traîner sa déglingue au point d'oublier les paroles de sa chanson ne rend pas forcément l'artiste bohème. Les musiques sont étirées afin que Camille Bazbaz chantonne sans paroles, et, étonnamment, le public suit malgré les averses. La section rythmique entièrement féminine du groupe est efficace, l'orgue Rhodes agréable, la voix de Bazbaz chaude, mais au final une partie du public rit plutôt qu'il ne rentre en communion avec le groupe. Il faut dire que les provocations gratuites de Camille Bazbaz, à défaut d'avoir un but, tombent à l'eau.
Et pour finir Arno. Monsieur Arno. Le show fut plus court qu'au Casino de Paris. Il s'est essentiellement articulé autour des chansons du dernier album, Brusseld. Une partie du public semble avoir été surpris par les guitares acérées, il faut dire que des chansons comme "Black Dog Day" ou "Oh La La La" de TC Matic sont assez éloignées des balades au piano qui sont diffusées en radio.
Malheureusement un son de façade saturé et la pluie ne permettaient pas d'apprécier les chansons à leur juste valeur, même si la prestation était solide. En final, et de nouveau sous l'averse, sur "Putain, Putain" le public reprend en chœur "Nous sommes tous des européens".
On espère que pour les dates à venir, le son de façade s'améliorera afin de rendre justice aux chansons, et de donner envie au public de découvrir sur disque ces artistes.
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