Et c’est reparti pour une nouvelle édition (la XVIème) d’un de nos festivals préférés.
Le retrait, cette année, des frères Moran, organisateurs historiques depuis 1995, au profit du promoteur Irlandais Vince Power faisait craindre la transformation du festival en "Reading Espagnol". Pourtant, si l’affiche fait la part belle aux formations Britanniques, elle n’oublie pas pour autant les groupes Ibériques, bien représentés (en fin d’après-midi pour la plupart) et l’esprit perdure.
Malgré une baisse de fréquentation notable (la crise est passée par là, comme pour la plupart des festivals européens), la fête fut belle. Retour en images sur quatre nuits caniculaires où les vieux briscards ont donné du fil à retordre à la nouvelle génération.
La mécanique est maintenant bien huilée : départ tôt le matin de la région Toulousaine avec pour objectif d’arriver sur place en milieu d’après-midi pour m’installer tranquillement avant le début du marathon musical.
Après quelques expériences malheureuses de voisinage en 2009, je choisis avec attention mon emplacement, trop conscient du fait que cela conditionne grandement la réussite du festival.
Un peu d’ombre, de la place, des couples isolés et pas trop jeunes… l’affaire semble bien engagée et c’est l’esprit tranquille et le cœur léger (le corps revigoré par la fameuse et providentielle douche froide du camping) que je prends le chemin qui me sépare du site proprement dit.
Première constatation, les travées sont bien vides en cette fin d’après-midi : ce sera d’ailleurs une constante pendant ces quatre jours… les pauvres groupes ouvrant le bal bénéficieront d’une faible audience, la majorité des festivaliers préférant prolonger le farniente en bord de mer, la faute sans doute à une chaleur trop écrasante.
Petit coup d’œil sur les changements par rapport à l’édition précédente : la tendance est à l’ouverture ! Après la scène Fiberfib l’an passé, c’est au tour de l’Eastpak Fib Club (ex-Vodaphone) de perdre son chapiteau pour devenir une scène à ciel ouvert comme les autres… On gagne en volume mais on perd en intimité ; et quand on se souvient de certains concerts (The National en 2008 par exemple), c’est peut-être un peu dommage.
La Pista Pop (le chouette dance floor Pop de fin de soirée), quant à elle, a gardé son toit mais a subi un régime amincissant qui lui a fait perdre quelques tailles (mais gagner un nouveau sponsor alcoolisé).
D’une manière générale, le site est plus aéré et la circulation plus fluide ; les stands d’alimentation ont été regroupés, les espaces verts sont plus nombreux, les boutiques diverses ont enfin quitté leur isolement de l’entrée du site pour rejoindre le cœur du festival. Enfin, deux manèges à sensations ont fait leur apparition (type Booster), histoire de tester la résistance (et parfois les limites) des "Fibers" à la combinaison fatigue + alcool + vitesse !
Si les bars sont toujours aussi nombreux, les toilettes en revanche ont été sacrément revues à la baisse… comme les écrans géants qui n’équipent plus que la grande scène (Escenario Verde) et encore au nombre de deux contre trois auparavant.
Voilà pour les présentations, rentrons maintenant dans le vif du sujet car la soirée s’annonce chargée et riche en émotions. 18h, il est temps de se diriger vers la scène Fiberfib où les sympathiques Belges (d’adoption) de Puggy ont la difficile tâche de déflorer cette édition 2010.
Malgré un public clairsemé mais enclin aux échanges ("Faites du bruit comme si vous étiez 40.000 !"), le groupe délivre sa pop entraînante avec beaucoup de plaisir. Leur fan club Espagnol est déchaîné et s’occupe de l’ambiance, qui monte de quelques degrés (s’il en était besoin ?) sur le tube "How I Needed You".
Une entrée en matière réussie.
Pas le temps de respirer, les Espagnols de Chin Yi jouent déjà sur l’Eastpak Fib Club.
A noter que cette année, les horaires de passage semblent avoir été optimisés pour réduire les superpositions, limitant ainsi les choix cornéliens (mais du même coup les temps de repos). Le groupe déroute les passants avec sa messe apocalyptique mélangeant cold wave et post rock martial ; "Pan Sai" reste un des titres les plus accessibles et les plus appréciés.
Voici venu le temps d’inaugurer la grande scène et ce sont les Anglais de The Paris Riots qui s’y collent. Devant un public qui commence enfin à se densifier, les Mancuniens enchaînent les tubes mélodiques ("Wrecking Ball", "Hotel of Infidels") sous un soleil rasant qui oblige Toby Connor à conserver ses lunettes de soleil, ce dont il s’excuse.
L’attitude est décontractée, on est loin des poseurs de Glasvegas l’an passé. Le patriotisme fonctionne toujours autant et les supporters Anglais occupant les premiers rangs s’en donnent à cœur joie sur les refrains. Le set se conclut en beauté par le titre prometteur "I Only Love You When I’m Drunk", Madame appréciera !
Petit passage par l’Eastpak pour écouter le crooner folk Jack L (aux faux airs de Richard Hawley) se livrer à une séance cosy de piano bar (de piano / guitare pour être plus précis). L’impression est renforcée par une série de reprises (dont un "Port of Amsterdam" qui ne restera pas dans les annales) qui viennent conclure un set sagement écouté par un public assis, à l’heure de la pause sandwich.
21h30 : en voilà une qui ne doit pas en mener bien large, Charlotte Gainsbourg s’apprête à débouler sur el Escenario Verde (on peut s’interroger sur le choix de la scène, même si les Espagnols et les Anglais semblent suivre avec attention son parcours marqué récemment de l’empreinte de Beck).
Pantalon de cuir, T-Shirt blanc, Charlotte rentre avec son groupe (très bon au demeurant) sous les clameurs de la foule qui scande son prénom depuis plusieurs minutes. Le pas hésitant et la voix peu assurée contrastent avec l’aisance de son entourage qui manifestement en a vu d’autres…
Après avoir eu des échos assez négatifs de son passage aux Eurockéennes, je m’attendais au pire. Pourtant, le groupe assure une prestation honorable, exécutant une majorité des titres réussis de l’album IRM. Malgré les demandes insistantes de compatriotes vêtus de bleu blanc rouge, la chanteuse ne s’exprimera qu’en Anglais (dommage car Yuksek et elle sont les seuls représentants de la France au FIB). Elle remercie à plusieurs reprises, manifestement un peu surprise de l’accueil enthousiaste et se risque même sur les traces de son père en reprenant deux de ses titres "L’Hôtel Particulier" et "Couleur Café".
Sur ces belles notes colorées, j’enchaîne avec Brendan Benson et son costume crème, aperçu ici même il y a deux ans avec les Raconteurs. Difficile de comparer ce souvenir éclatant avec le groupe de ce soir : avec "You Make a Fool Out of Me" on est plus proche d’Elton John que des White Stripes… Impression confirmée par "Cold Hands (Warm Heart)", c’est propret mais un peu trop sirupeux à mon goût…
Je préfère m’isoler pour reprendre des forces avant le concert de Ray Davies, la tête pensante des Kinks. Dès l’introduction et les célèbres accords de "I’m not Like Everybody Else" le ton est donné ! Le monsieur a vieilli mais va donner une leçon de Rock’n’Roll aux jeunes pousses… et s’il faut bien reconnaître un mérite au public anglais, c’est celui de connaître leurs classiques sur le bout des doigts et d’avoir une ouverture d’esprit (musicale en tous cas) dont on ferait bien de s’inspirer. Ainsi, plusieurs générations vont s’égosiller et sautiller avec un bonheur partagé sur les hymnes Kinksiens ("Victoria", "Sunny Afternoon", "Lola", "You Really Got Me"…) pendant plus d’une heure.
Je me fraie un passage parmi la foule maintenant bien présente, pour rejoindre la scène Fiberfib et le groupe qui va s’avérer être une des bonnes découvertes de la soirée : The Temper Trap.
On oublie trop souvent que l’Australie est une terre de Rock assez prolifique (Midnight Oil, INXS, Men At Work, AC/DC…) et le concert de ce soir va me le rappeler avec force. "Sweet Disposition" est une chanson magnifique, qui rappelle le chant si particulier de feu Geneva dans les années ’90. Pourtant je lui préfère "Love Lost" qui rejoint mon panthéon des chansons immédiates qui me flanquent immanquablement la chair de poule ("Mr November" de The National en est un parfait exemple ou "The Funeral" de Band of Horses). Le public, qui s’entasse comme il peut, ne s’y est pas trompé, allant jusqu’à snober le concert de Kasabian qui commence sur la grande scène.
A l’issue de ce bon moment et la fatigue se faisant sentir, je décide d’éviter l’effet de masse et de suivre de loin, allongé sur la pelouse, la prestation de la bande à Tom Meighan. Devant 30.000 personnes, le groupe livre un concert dépourvu de ce petit supplément d’âme qui faisait le charme des Temper Trap. C’est carré et propre mais accompagné d’un mutisme qui laisse une désagréable impression de tâche accomplie sans plaisir.
Me voilà requinqué pour les trop rares Broken Bells : la bande formée autour de James Mercer (le fabuleux chanteur de The Shins) et de Danger Mouse (le génial producteur et membre de Gnarls Barkley). Leur album éponyme a été une des bonnes surprises de cette année et je dois dire que leur présence ce soir n’est pas étrangère à ma venue au festival. Autant dire que j’attends beaucoup de ce concert ! Et je ne vais pas être déçu : le groupe parvient (au prix d’une forte concentration) à reproduire la beauté des instrumentations du disque ("October" en ouverture, "The High Road"). Les voix sont sublimes, les orchestrations aussi ; seule la basse est parfois un peu trop présente et agresse physiquement les premiers rangs (sur "Trap Doors" notamment). Petit bémol, on ressent un tel effort et une telle application que le groupe est un peu coupé du public, peu aidé par la projection de vidéos simplistes dont on peut se poser la question de l’utilité ? Tous les titres de l’album sont joués avec, en bonus, la reprise de "Something’s Got a Hold on Me" de Smokey Robinson & The Miracles.
C’est donc en douceur que s’achève cette première soirée bien remplie. Je rentre rejoindre ma tente pour ce que j’espérais une nuit calme (pour l’anecdote, mon emplacement choisi avec soin a été envahi entre temps par des Espagnols festifs) mais qui se transformera en partie de cartes dont je n’ai toujours pas compris les règles !
Je passe du coup à côté du marathon aux platines de Magnetic Man / Skream / Benga qui s’achèvera aux premières heures du jour par une invasion de scène mémorable (dixit les échos que j’en ai eu) et peu appréciée des organisateurs…
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