Comédie de Eugène Labiche, mise en scène de Florence Fakhimi, avec Arnaud Bath'm'wom, Matthieu Brugot, Juliette Chauvelot et Fabrice Pannetier.
Costumes Pompadour, vaudeville du 19ème siècle et tubes yéyé ? Pari réussi pour Florence Fakhimi qui met en scène de manière particulièrement réussie "Embrassons-nous, Folleville !", virevoltante farce en dentelles de Eugène Labiche.
Elle atteste ainsi qu'il est encore possible de se divertir avec une pièce inscrite au répertoire, et régulièrement à l'affiche, en restant fidèle à la partition originale tout en y apportant, sans verser dans la contextualisation forcée et opportuniste, une touche contemporaine par la délicieuse customisation des intermèdes à la sauce vintage des années "Age tendre et tête de bois" ce qui sied d'ailleurs aux protagonistes de cette effervescente badinerie.
En effet, même Labiche pointe du doigt le mariage forcé, qualifié de barbarie et de tyrannie, et brocarde les tempéraments primesautiers, "Embrassons-nous Folleville !" se présente avant tout comme une irrésistible comédie aux répliques peaufinées qui font toujours, et encore, mouche.
Le marquis de Manicamp, émotif - il sent souvent "une larme perler sous ses longs cils bruns" - et démonstratif - il est le chantre de l'embrassade affectueuse - mais vif, il s'échauffe "comme une soupe au lait", est éperdu de reconnaissance envers le fâlot chevalier de Folleville qui l'a sauvé de la noyade au cours d'une partie de chasse près des téangs de Saint Cucufa.
Aussi a-t-il décidé de le récompenser en lui donnant "son trésor, son ange, en un mot sa fille", objet d'un doux aveuglement amour paternel ("On ne peut pas ne pas aimer ma fille Berthe").
Las, Folleville, timide et timoré, davantage fait pour les paisibles joies de la campagne que les tourbillons de la Cour, est amoureux de sa cousine et l'ange, qui est bien la fille de son père, une bien impétueuse demoiselle nourrit déjà un sentiment pour un bouillant vicomte de Chatenay séduit par le soufflet qu'elle lui a administré en public lors d'une danse ("quand on me contrarie j'ai envie d'égratigner") et qu'il juge légitime ("quand on promet un menuet, on ne livre pas une fricassée et j'ai livré une fricassée").
Entretiens musclés avec nom d'oiseaux, duel, menace de suicide shakespearien, enlèvement, retraite au couvent sont au programme avant un happy end avec l'antienne paternelle où seul le nom de l'heureux élu aura changé.
Dans la petite salle du Théâtre du Nord-Ouest pour laquelle elle a créé une scénographie adaptée en utilisant et tirant astucieusement partie même de ses contraintes, tels les quatre piliers de soutènement qui servent ici pour un final jubilatoire, Florence Fakhimi a réuni une distribution jeune et homogène pour incarner le quatuor vibrionnant.
Arnaud Bath'm'wom, même s'il est encore un peu jeune pour en avoir l'âge, est parfait dans le rôle du barbon ombrageux, Matthieu Brugot, en bleu pourpoint romantique joue à merveille le timide et timoré chevalier, long escogriffe à la Tati, et Fabrice Pannetier, en velours rouge est un irrésistible et fougueux vicomte un poil précieux. Enfin, Juliette Chauvelot est la belle, belle comédienne également, au coeur de cette drolissime aventure de salon
Tous prennent manifestement du plaisir sur scène, sans surjouer, tout en restant dans l'accentuation à la Daumier résultant de la plume de l'auteur qui a bien résisté aux ans, pour faire partager la gaité et la jeunesse de cette rafraîchissante pépite. |