Livre prémonitoire ou préparateur de terrain ? Lorsqu’en octobre 2009, Gaspard Koenig publiait son livre Les discrètes vertus de la corruption, qui passa relativement inaperçu, pressentait-il qu’un an plus tard l’actualité, celle mouvementée de cet été 2010, le rattraperait ?
En effet, la saga politico-pécuniaire, "la vieille dame et le ministre" – comme aurait pu la nommer San Antonio – ponctuée de rebondissements, de personnages hauts en couleurs, de scoops, de déclaration, de démentis… nous a déjà tenus en haleine pendant 2 mois et le proche dénouement semble s’éloigner chaque jour un peu plus...
Il était donc temps de se plonger dans un ouvrage qui, selon son titre quelque peu provocateur – il faut en effet oser octroyer à une pratique passible de poursuites judiciaires une quelconque vertu –, pouvait nous éclairer sur les ressorts de ce phénomène international, intemporel, insaisissable mais tellement réel.
L’ouvrage, fort bien documenté, retrace l’histoire de la corruption à travers les époques, les personnages et les genres. Depuis Bernard Mandeville, apparemment le seul philosophe à avoir théorisé sur le sujet dans sa Fable des abeilles dans laquelle il établit que les "vices privés font les vertus publiques", jusqu’à nos jours. Il pose également la question de savoir comment et pourquoi une pratique aussi universelle est-elle aussi universellement condamnée.
D’une grande érudition, l’auteur nous rappelle aux bons souvenirs des grands corrupteurs et corrompus qui jalonnent l’Histoire, y compris l’Histoire de France, tels les Richelieu et Talleyrand, qui furent également de grands hommes, dans le sens : ils firent de grandes choses pour la France en plus de s’enrichir… et c’est une nouvelle vision de notre passé et des relations politiques, commerciales et humaines qui s’offre à nous, à tel point que l’on peut commencer à envisager la corruption sous un nouveau jour. Et si l’auteur avait finalement raison et que la corruption avait des vertus...
Mais avant d’adhérer pleinement à l’enthousiasme de l’auteur, il est préférable de rappeler que ce monsieur fut plume de ministre pour notamment les discours de Christine Lagarde, et qu’il maitrise admirablement la stylistique. A tel point, qu’à un moment, celui où vous vous surprendrez à songer que la corruption n’est finalement qu’un échange de bons procédés, la base même de la civilisation somme toute puisque tout le monde le fait, l’a fait ou le fera, il vous faudra mobiliser toute votre volonté pour vous rappeler que tous les moyens ne sont pas toujours bons...
