Comédie dramatique de Elie-Georges Berreby, mise en scène de Geneviève Rozental, avec Leïla Ben Mosbah, Jérôme Sitruk et Mohamed Kerriche.
Bientôt cinquante ans après, la guerre d'Algérie continue de susciter polémiques et débats enflammés. Preuve en est avec la sortie du film "Hors-la-loi" de Rachid Bouchareb qui déclencha de vives controverses lors de sa projection à Cannes (on a notamment accusé le film d'être "anti-français") ou plus récemment, le roman de Jérôme Ferrari, "Où j'ai laissé mon âme" évoquant les tortures perpétrées par l'armée française.
A croire que ce sujet, qui figure certes parmi les heures sombres de l'Histoire de France, ne peut être évoqué autrement que par la polémique. "Une valse algérienne", la pièce de théâtre d'Elie-Georges Berreby mise en scène par Geneviève Rozental évite soigneusement cet écueil. Ici, c'est le thème universel de l'amour qui est évoqué, avec ses joies et ses contraintes.
Fraichement débarqué d'Acapulco où il était journaliste, Joël Barini (Jérôme Sitruk) revient en Algérie, son pays, qu'il a dû quitter pour avoir servi d'agent de liaison entre son ami Mouloud (Mohamed Kerriche) militant pour l'indépendance algérienne et la famille de son dernier. Engagé dans un quotidien francophone dirigé par Dinah (Leila Ben Mosbah), Joël ne reconnaît plus "son" Algérie. Ses compatriotes ont fui, la tension est palpable dans les rues, Joël ne se sent plus chez lui. Sa source de bonheur, il la trouve en Dinah, dont il tombe follement amoureux.
Mais cette dernière, issue d'une famille sunnite traditionnelle et véritable gloire locale repousse ses avances, ne voyant en lui qu'un être léger et volage. Même Mouloud tente de décourager Joël dans cette conquête, "Cette fille n'est pas pour toi" lui dit-il. Mais loin de baisser les bras, Joël insiste et la belle Dinah fini par céder. Entre eux, l'amour est total, fusionnel, passionné. Mais comment sera perçue cette relation, entre un homme considéré comme ancien colonisateur et qui dénonce dans ses articles la nouvelle situation de son pays, et une figure emblématique de l'indépendance aux valeurs religieuses et spirituelles profondes ? L'Histoire les ramènera à la douloureuse réalité.
En transposant le thème de l'amour impossible au cœur d'un pays ravagé par une guerre et découvrant à peine l'indépendance, Elie-Georges Berreby montre à quel point l'amour, aussi sincère qu'il soit, reste malheureusement souvent dépendant des événements extérieurs, en Algérie comme partout ailleurs.
Les acteurs sont remarquables, Jérôme Sitruk qui, comme le décrit Milan Kundera dans "L'ignorance", perçoit à quel point l'on peut se sentir étranger dans son propre pays, et alterne parfaitement humour et désenchantement. Leila Ben Mosbah est touchante dans son rôle de femme partagée entre amour et traditions familiales. Et les yeux de Mohamed Kerriche laissent transparaître ses illusions perdues dans l'indépendance de son pays qu'il a tant souhaitée et qu'il voit s'effriter. Et ainsi nous prouver que l'amour, même tragique, vit et respire dans un pays si déchiré. |