Pendant longtemps, par commodité ou paresse intellectuelle, on a résumé le cinéma classique japonais à deux génies du 7ème art, Yasujiro Ozu et Kenji Mizogushi, rejoints à partir des années quarante par un
troisième très grand, Akira Kurosawa.
Même si les spécialistes affirmaient que le cinéma japonais avait connu un âge d’or dans les années trente comparable à celui vécu par le cinéma hollywoodien à la même époque, personne ne demandait à voir.
Heureusement, depuis les années 90, le cinéma japonais a profité de la création à Paris de la Maison de la Culture du Japon pour remettre les choses en place d’une manière plus systématique que les quelques rétrospectives parcimonieuses que la Cinémathèque Française accordaità la cinématographie nippone.
Dès lors, grâce à plusieurs cycles par an, rendant des hommages à des cinéastes ou organisant des parcours dans la production des principaux studios japonais, on a pu se rendre à l’évidence : le cinéma japonais, ce n’est pas seulement quelques grands chefs d’oeuvre et quelques cinéastes d’exception, c’est une cinématographie, riche, foisonnante, très créative et surtout très abondante en nombre de films de qualité, une qualité qui perdure encore aujourd’hui.
Pour en rester à "l’âge d’or", il y a quelques semaines la Maison de la Culture du Japon a permis de découvrir les trois magnifiques films de Sadao Yamanaka, un réalisateur mort prématurément à 28 ans alors qu’il avait été enrôlé dans l’armée japonaise qui avait envahi la Chine.
À partir de mercredi, la Maison de la Culture du Japon va faire
connaître un autre grand maître méconnu des années trente : Yasujiro Shimazu.
Sept films de ce cinéaste mort à moins de cinquante ans en 1945, vont permettre au spectateur parisien de juger par lui-même si Shimazu à sa place aux côtés des Naruse, Gosho, Uchida, Ito, Itami (Mansaku), Toyoda, Kinoshita, etc, dont a pu découvrir dans ce même lieu un aperçu conséquent des oeuvres souvent elles aussi conséquentes.
Comme Ozu, Shimazu s’intéresse en priorité à la cellule familiale de base. Il y installe ses drames situés dans la petite bourgeoisie des villes et leur fait prende souvent la forme du mélodrame.
Parmi les films de Shimazu que l’on a déjà pu voir , "Ainsi va l’amour" et "Un frère et sa petite soeur" expriment la capacité du Japon d’avant la déflagration de 1945 d’analyser très tôt son passageà la modernité occidentale. Outre le plaisir cinématographique qu’ils procurent, ils ont donc une grande vertu sociologique et historique.
Bien des raisons, d’aller voir Shimazu et de se convaincre que le cinéma a eu au Japon le même rôle qu’aux États-Unis, celui de montrer un monde en mutation à ceux qui en étaient les acteurs, actifs ou passifs. |