Comédie proverbe de Alfred de Musset, mise en scène de Sylvain Ledda, avec Florence Cabaret, Séverine Cojannot, Sacha Petronijevic (ou Gilles Vincent Kapps) et Clément Goyard.
Proverbe romantique à succès, écrit en 1837 par Alfred Musset, "Un caprice" est une œuvre intemporelle dont les thèmes ont traversés les lieux et les époques sans perdre de leurs véracités.
Musset, alors au sommet de son art, signe une pièce qui regroupe tout ce qui a fait son succès populaire : l’étude fantasque mais non dénuée de profondeur du cœur humain, du badinage amoureux, de la désillusion, de l’humour, et de la galanterie.
Mathilde, une jeune femme idéaliste, souffre de la distance qu’affiche son époux après seulement quelques mois de mariage. Elle lui confectionne une bourse et s’apprête à lui offrir pour lui faire "un doux reproche", mais elle s’aperçoit qu’on lui en a offert une autre. Chavigny refuse de s’expliquer sur sa provenance. Surgit alors Ernestine de Léry, à qui Mathilde confie sa peine. Plus expérimentée avec les hommes, madame de Léry va mettre Chavigny à l’épreuve et démontrer aux deux époux que le caprice n'est pas le monopole des hommes...
Dialogues extrêmement bien ciselés, maniement fin et précis du langage, "Un caprice" nous permet avant tout de profiter du bonheur d’écouter l’esprit, le lyrisme, mais aussi souvent l’ironie mordante de Musset s’exprimer.
Les comédiens (Florence Cabaret, Séverine Cojannot, Gilles-Vincent Kapps et Clément Goyad) donnent vie au texte avec une précision d’orfèvres. Leur interprétation très nuancée permet de tirer la substantifique moelle de chaque réplique. C’est un régal.
En situant l’intrigue dans les années 20, qui voient l’émergence d’une certaine volonté d’indépendance des femmes suite à la guerre, le metteur en scène Sylvain Ledda a pris le parti de mettre au premier plan la modernité féministe de la pièce. En donnant aux femmes le pouvoir de lutter à armes égales contre les hommes, par ce qui peut sembler bien négligeable et vain au premier abord, en l’occurrence les caprices - c'est-à-dire les aventures, les passades et autres amourettes - des hommes, la pièce jugule néanmoins à sa façon les déséquilibres entre les sexes.
Coiffures et costumes de Catherine Lainard, en décalage parfois avec le texte d’Alfred Musset qui cite corsets et autres fanfreluches féminines de son époque, sont là pour nous rappeler que les femmes ont dû faire, aussi, la conquête de leur silhouette pour affirmer leur identité au cours de l’histoire.
La féminité très prononcée de l’habillement et du jeu d’Ernestine de Léry (l’excellente Florence Cabaret qui rivalise de séduction et d’esprit) nous montre que celles-ci peuvent gagner la bataille féministe sans nier ni la femme en elles, ni émasculer l’homme face à elles. Gilles-Vincent Kapps (sur scène ce soir là mais en alternance avec Sacha Petronijevic) campe un Monsieur de Chavigny tout en nuance, de ces "salauds" charismatiques qu’on adore détester tout en détestant les adorer.
La scénographie haute en couleur de Marguerite Danguy des Déserts donne une sensation follement vive et gaie, en accord avec la joute verbale qui a lieu sur scène, ainsi que l’esprit à la fois libéré et frondeur de l’époque à laquelle Sylvain Ledda place la pièce.
Ce caprice se déguste sans modération, comme un macaron à l’heure du thé : de la couleur, du raffinement, de la saveur, de la consistance. |