Dans le documentaire consacré à son père Imagine : John Lennon, on découvre Sean Lennon en 1988, androgyne, si jeune, si mal habillé, sa voix si douce. Plus de 20 ans plus tard, il joue à la Flèche d'or, avec son projet au nom imprononçable, accompagné de sa nana, mannequin aux doigts interminables et au chapeau-nénuphar.
La première partie est assurée par Zooey, couple de français exilé à Londres. Au programme, une electro plan-plan et aseptisée. La fille susurre dans son micro, s'accrochant à une guitare sublime dont elle ne jouera que 4 notes en tout et pour tout. On lève l'oreille pour leur reprise charmante de "Father to a sister of thought" de Pavement, puis on la rabaisse parce que c'est définitivement trop ennuyeux, tout ça. Les anglais doivent trouver ça "so chic". "So chiant" aussi.
Vers 23h, "Le fantôme d'un tigre aux dents de sabre" (excusez-moi, j'ai besoin de m'allonger une seconde : le choc) monte sur scène.
Assis tous deux, Sean Lennon et Charlotte Kemp Muhl se lancent alors dans un show intimiste et organique, Sean à la guitare folk, donnant de temps en temps un coup de poing dans une cymbale, la Muhl alternant basse, melodica, accordéon. Les chansons sont étranges, alambiquées, je pense à l'univers de Eels, j'essaie de comprendre les paroles. Sean demande à être réveillé dans des milliers d'années, lorsque les ordinateurs pourront verser des larmes. La ressemblance physique avec son père saisit le coeur, trouble la vue, il y a définitivement un fantôme dans la salle.
S'adressant au public dans un français très correct, le fils préféré annonce une reprise de Zimmerman, entame une reprise de Girl of the north country, joyau dylanesque, mais Charlotte ne sait pas jouer de flûte et tous les accords ont été changés, malheureusement. Le clin d'oeil plaît (son père chanta un jour "I don't believe in Zimmerman"), mais ça ne fonctionne tout simplement pas, ce soir.
Au moment du rappel, un petit miracle déboule sous la forme d'une brune déjantée (nos informateurs lecteurs de tabloïds ont identifié la créature : Irina Lazareanu) qui entame avec Sean Lennon une chanson écrite à 4 mains. "Strange Places". La belle a de la voix, la chanson est forte, prenante. 3 minutes plus tard, la soirée vaut soudain un peu plus le coup d'avoir été passée ici, avec eux. Strange places. Strange evening. |