Comédie dramatique de Anton Tchekhov, mise en scène de Serge Lipszyc, avec
Robin Renucci, Estelle Clement-Béalem, Michèle Gaulupeau, Danièle Gauthier, Laurent Huon, Sylvain Méallet, Serge Lipszyc, René Loyon et
Judith d'Aleazzo.
Après des adaptations de "Les trois soeurs" et "Platonov" jouées au Théâtre de l'Opprimé au printemps 2010, Serge Lipszyc poursuit son travail sur le théâtre de Tchekov avec "Oncle Vania".
Aux lumières, Jean-Louis Martineau crée un univers presque lumineux, cette fameuse et intemporelle lumière argentée des paysages russes, pour nimber un décor
réduit à l'essentiel, comme le salon de jardin pour des conversations au coin du samovar de la scénographie conçue par Sandrine Lamblin, dans lequel vont évoluer les personnages vêtus de costumes dans une gamme chromatique dominante des ocres évoquant les sépias d'une photo jaunie.
Car dans cette pièce sous-titrée "Scènes de vie à la campagne", Tchekhov ouvre bien un album de photos de famille dans lequel toute l'histoire est déjà relatée. Mais ce faisant, à une page précise, Tchekhov semble donner aux figures une ultime chance de changer le cours des choses.
Sérébriakov, vieux professeur à la retraite, écrivain médiocre mais imbu de lui-même, homme égocentrique et tyran domestique, (René Loyon hautain et pitoyable à souhait) gêné financièrement, revient, dans la propriété de sa première femme accompagnée d'une jeune épouse dont les yeux viennent de se dessiller (Judith d'Aleazzo pétulante) et qui, d'une certaine manière, met le feu aux poudres.
Elle séduit l'oncle Vania (Robin Rennucci convaincant), vieux garçon qui a perdu toute estime de soi et qui s'est consacré à la gestion du domaine du grand homme avec sa nièce Sonia, jeune fille au physique ingrat, héroïne tragique dont Estelle Clement-Béalem donne une belle incarnation, exploitée volontaire et amoureuse transie du médecin, le docteur Astrov (Serge Lipszyc), médecin désenchanté et cynique, qui a sacrifié sa vie privée à un métier qui l'a déçu, et qui se voue à une cause écologique perdue d'avance, lui aussi sensible aux charmes de la belle Elena.
Complètent le tableau, la mère patriarche autoritaire (Danièle Gauthier), le pique assiette (Laurent Huon) et l'incontournable servante
pittoresque incarnation du bon sens populaire de la Russie éternelle (Michèle Gaulupeau).
Mais l'usure du temps, l'immobilisme de confort et la vacuité d'une vie sclérosée font abdiquer toute vélléité d'idéal et d'espoir.
Pour ce texte composé comme une partition musicale syncopée, interprété par une distribution de qualité, Serge Lipszyc a accentué la structure en tableaux comme autant d'instantanés et adopté un parti pris pictural, presque impressionniste, qui a tendance à lisser certaines scènes et en exacerber d'autres ce qui se rééquilibrera sans doute au fil des représentations. |