Comédie dramatique de Olivier Cadiot, mise en scène de Ludovic Lagarde, avec Pierre Baux, Valérie Dashwood, Guillaume Girard, Constance Larrieu, Ruth Marcelin, Laurent Poitrenaux, Samuel Réhault, Julien Storini et Christèle Tual.
Voilà plus de 18 ans que ces deux là se connaissent et travaillent ensemble : Olivier Cadiot (à l'écriture) et Ludovic Lagarde (à la mise en scène) signent à nouveau une pièce adaptée d'un des romans de l'auteur parisien.
Récit loufoque et poétique d'une cours royale en exil dans un chalet à la montagne, "Un nid pour quoi faire" montre, par les yeux de Robinson (personnage cher à Olivier Cadiot), observateur critique et mutique, une société fantoche de marionnettes (courtisans, chambellan gothique, poète en charentaises, prince chacal et médecin-chroniqueur d'actualité) qui s'agitent dans la coquille vide d'un chalet suisse autours d'un roi d'opérette qui tente envers et contre tout de maintenir une étiquette et l'illusion d'un pouvoir perdu.
Personnage à la fois cynique et désabusé, le roi (magnifique Laurent Poitrenaux) en pleine dépression, semble conscient de la vacuité de se décorum maintenu à grand renfort de courbettes, mais insiste pourtant pour être appelé Sire (et non Majesté!) et se prête au brainstorming collectif qui tente de lui faire retrouver une image crédible qui devrait reconquérir l'opinion d'un peuple perdu.
Alternant sans relâche réalisme et absurdité la plus totale, Ludovic Lagarde a effectué un découpage chirurgicale du texte d'Olivier Cadiot pour le recoudre à sa manière: dans un patchwork de genres et d'intentions qui, de digressions en coq-à-l'âne, nous emmène là où il le souhaite, sans qu'on comprenne tout à fait comment.
En montrant ces gens, ayant trop longtemps exercés et vécus autours et pour le pouvoir, il prouve, dans un désordre total qui souligne l'absurdité ubuesque du propos, la vacuité de la micro-société qui prend vie sous nos yeux, société pétrie de contradictions et de certitudes et tiraillée entre ses aspirations bestiales et son ambition de reconquête du pouvoir. Une société qui erre tel un poulet à qui on aurait coupé la tête, de manière désordonnée, mais sans comprendre que sa fin est proche, dans une envolée de mots, de vains désirs et de plumes.
Véritable réflexion sur l'image et l'hyper-communication, le spectacle utilise des outils en vogue : des vidéos panoramiques diffusées tout au long de la pièce sur un grand écran en fond de scène, coulisse à vue et morceau de danse décalé au milieu des deux heures de show. Il dénonce les travers d'une époque qui utilise les vecteurs de communication telles des armes sur le champs de bataille de la reconquête de l'opinion des peuples.
Pas étonnant qu'au final ce soient les rôles muets qui tirent leur épingle du jeu. Les seconds rôles quant à eux ne sont pas en reste et sont particulièrement truculents, apportant aux spectateurs une foule de petits détails savoureux, pour peu qu'on pose les yeux sur eux en dehors de l'action principale.
Décor et costumes sont également pensés pour souligner les aspects décalés de la pièce : un chalet en bois à la fois simple, chaleureux, mais immensément vide et cossu, des costumes oscillant entre viscose, lycra, moon-boots et dentelles baroques, charentaises et chemises à jabots, pull en laine et combinaisons en soie; des coiffures de dames travaillées, la tignasse du roi négligemment poudrée et la raie huileuse du prince chacal. Autant de petites choses qui crée une atmosphère particulière à cet étrange univers.
Un spectacle au final un peu décousu mais joyeux, qui tisse à partir de brindilles fragiles et illusoires, un nid pour abriter un propos ambitieux. |