Les chansons de Florent Marchet définissent le paradigme de la pop française : mini-symphonies élégantes accompagnant des paroles spontanées, dont le sens se précise après plusieurs écoutes.
Dans Courchevel, de petites histoires sentimentales et familiales sont interprétées avec ironie : l’inquiétude du narrateur y est comme feinte ; il parle des préoccupations dérisoires d’une bourgeoisie dont il ne peut se défaire. La seule façon de résister à un système, c’est de le dynamiter de l’intérieur, en n’ayant l’air de rien.
Quelques descriptions suffiront à faire le démontage d’une classe où dominent de grandes constantes : l’ennui provincial pour ceux qui veulent toujours être ailleurs ; l’accumulation incessante d’objets futiles toujours remplaçables ; les espoirs déçus en contrepoint des névroses recommencées ; les grandes maisons vides après le départ des enfants ; ou encore les problèmes des adolescents narcissiques qui ne savent pas grandir, s’enfermant dans leurs grandes illusions et leurs petites propriétés. Par exemple des paroles comme les suivantes : "Mince la vie passe trop vite / les gosses sont déjà loin / quel est le prix du mérite / et une famille c’est combien ?" disent beaucoup plus entre les mots que tout ce qui se veut directement explicite.
A partir de cette technique de l’ellipse se construit un album singulier, qui a en plus le mérite d’une bonne production musicale, du même niveau que les EP de La Fiancée que Marchet a lui-même produit. Ce dernier album du chanteur français complète vraisemblablement le projet qu’il a mis en place avec l’écrivain Arnaud Cathrine en 2008 avec Frère Animal : ce livre musical racontant la vie de salariés d’une entreprise improbable (une société industrielle nautique imaginaire), selon le mode de la satire, où ce qui s’exprimait en creux révélait les violences symboliques d’un domaine a priori inattaquable. Mais Courchevel prend ses distances avec une critique au vitriol : il s’agit avant tout de beaux arrangements musicaux − "Benjamin" et "L’eau de rose" en sont les plus beaux titres. Le duo avec Jane Birkin, "Roissy", quant à lui, est un sommet d’humour noir, que je vous laisse découvrir par vous-même. |