Après un week-end sur les bords de Loire, profitant de couleurs de l'automne, l'occasion était trop belle de rester une journée supplémentaire afin d'assister au concert donné par les Tindersticks dans la cité angevine. Organisé par le Chabada, la salle rock d'Angers, Stuart Staples et ses compères étaient programmés au Grand Théâtre, un cadre qui d'après les organisateurs convenait mieux à la musique élégante et érudite des Tindersticks, aux atmosphères feutrées de leurs chansons.
Après un verre de coteaux du Layon, accompagné de la plus charmante jeune femme de la soirée, il est temps de se diriger vers le lieu du concert. Ce soir-là, un crachin persistant mouille les pavés des rues piétonnes, et c'est une place du Ralliement défigurée par les travaux qu'il faut traverser pour accéder à l'entrée du théâtre. Le lieux est somptueux, un petit théâtre à l'italienne d'environ 700 places, avec trois balcons, une coupole peinte par Lenepveu autour du thème des quatre éléments, une Vénus à la toilette veille sur la salle. Le concert est prévu à 20h30, le parterre et les balcons se remplissent doucement, un personnel attentif oriente les spectateurs vers leur fauteuil tendu de velours rouge. La salle est pleine et bruisse des conversations avant le concert. Mais le public n'aura pas à attendre longtemps puisque les Tindersticks entrent en scène avec seulement cinq minutes de retard par rapport à l'horaire prévu.
Les sept musiciens semblent détendus. Une fois n'est pas coutume, Stuart Staples, cheveux gris courts, les yeux bleus délavés, en jeans, chemise blanche et gilet brun sourit. Le lieu semble lui convenir. La scène est couverte d'instruments : orgues, guitares, percussions, une batterie, un harmonium... Après un bref salut, il est temps que les lumières s'éteignent.
Les Tindersticks ne sont pas de grand communicants, Stuart Staples chante les yeux fermés, à la fin de presque chaque morceau, il sussure un "Thank you !" un peu sourd dans le micro. Le public est sous le charme de cette voix à la texture de velours. Le son se met bien vite en place, et dès le second morceau, sur un "Keep You Beautiful" doux et élégant où les voix se superposent, chaque instrument est à sa place.
Le concert est très équilibré entre morceaux anciens et nouveaux. Parmi les nouveaux morceaux, on retiendra le jazzy et expérimental "Falling Down A Mountain", "Peanuts" demandé à cor et à cri par mon voisin ou l'enjoué "Black Smoke" sur lequel le public tape dans les mains. Pour les anciens morceaux, des versions magnifiques se succèdent de "Bathtime", "Dying Slowly" ou "A Night In".
Durant toute cette première partie, Andy Nice à gauche de la scène, qui parfois troque son violoncelle pour un sax, et Neil Fraser aux guitares, à droite, couvent les premiers rangs de sourires très doux. Avant le rappel, Stuart Staple, très souriant remercie le public d'avoir accueilli les Tindersticks en un si beau lieu. Les applaudissements sont nourris. En rappel, le public s'emballe pour "Can We Start Again ?" et succombe aux notes de "City Sickness". Puis les Tindersticks reviennent une seconde fois pour interpréter en final un "Tiny Tears" toujours aussi émouvant. Ils tardent un peu à quitter la scène, applaudissent le public, debout, qui les acclame avec ferveur.
A la sortie du concert, chacun semble heureux, détendu, rasséréné. Comme souvent, ce concert des Tindersticks a été une parenthèse de grâce et d'émotion arrachée au temps. Mieux équilibré que le concert parisien, conclu par un "Tiny Tears" auquel le public parisien n'avait pas eu droit, la date d'Angers fut splendide, d'autant que les conditions en étaient idéales. Quant à Stuart Staples, il semble, depuis cette tournée, beaucoup plus serein qu'auparavant, plus souriant, plus chaleureux. Grand bien lui fasse, grand bien nous fasse aussi. |