Spectacle conçu et interprété par Eve-Chems de Brouwer,Tale Dolven, Boutaïna Elfekkak, Liz Kinoshita, Federica Porello, Mokhallad Rasem et Frank Vercruyssen avec la participation de Jolente De Keersmaeker.

Quand on entre dans la salle, la troupe évolue sur le plateau, silencieuse. Presque vide, éclairée à la lumière sordide de néons blancs, la scène est limitée par des toiles blanches et d'un D.J. Avant même les premiers mots, "Le Tangible" poursuit un travail de désacralisation des codes du théâtre.

La guerre retentit ; les danseuses tanguent et s'agitent au rythme des impacts d'obus, dessinent une ligne de front, effacent une frontière. Il s'agit d'un extrait du morceau "Stary night", une improvisation de jazz minimaliste que Mazen Kerbaj a enregistrée à Beyrouth durant des bombardements. C'est là le type de citations confinant à l'ironie sur lequel se fonde "Le Tangible", quitte à perdre un peu la salle.

Entre les parties dansées, un couple lit des lettres. Il est en prison, elle vit probablement en Palestine, ils s'écrivent en français et en arabe (des surtitres sont alors projetés à un rythme parfois un peu trop soutenu). Ils s'écrivent le manque, la vie quotidienne.

"Le Tangible" parle de l'absence effective, incontestable, de ce vide à la limite du palpable. Inversement, la guerre est elle omniprésente dans son absence. On la perçoit partout en filigrane, elle est dite sans être jamais montrée.

Du théâtre à la danse, de la poésie à l'intrigue, de l'histoire à l'Histoire, des images au textes, le spectacle est sans cesse dans ce qu'il n'est pas, le contraire de ce qu'il prétend être.