Peut-être est-ce parce qu'il est un ancien du Brian Jonestown Massacre, la formation d'Anton Newcombe qui aurait déjà usé plus d'une centaine de musiciens, que Bobby Hecksher, le leader des Warlocks, a su faire survivre son groupe aux allées et venues de près d'une vingtaine de musiciens depuis les débuts "fanpharaoniques" de 1999 (neuf musiciens sur scènes, dont deux batteurs, pour de monumentales constructions sonores). Ce n'est en tout cas pas parce qu'ils ont revu leur formation à la baisse que les Warlocks ont également revu leurs ambitions, loin de là. Le groupe continue au contraire de démontrer sur scène qu'il a tout des grands – en toute intimité puisque la formation s'est depuis 2007 resserrée en quintet (batterie, basse, trio de guitare).
Aucune discontinuité musicale pourtant, et en faisant peau neuve les Warlocks n'ont pas fait fi de leur passé, bien au contraire.
Et si le concert s'ouvre sur un "Red Camera" de bon aloi, pour le reste le dernier album, le pourtant tout à fait excellent The Mirror Explodes (2009) est totalement sous-représenté et le groupe préfère ré-explorer sa discographie passée, pour le plus grand plaisir des amateurs, venus nombreux ce soir-là. Certainement faut-il y voir l'influence de la réédition en octobre par Zap Banana et Cargo Records du premier album de la formation, Rise & Fall (2001), dans une édition regroupant les titres des éditions européennes et US, ainsi que quelques singles, faces-b et autres raretés.
"Song for Nico", "Zombie like lovers", "Caveman rock", "Shake the dope out", "Angry demons", "So paranoid", "Isolation"... autant de titres trop méconnus en Europe (et notamment en France, où les Warlocks souffrent d'un déficit de popularité tout à fait scandaleux) mais dont les beautés hypnotiques les placent quelque part à proximité de formations aussi recommandables que le Velvet Underground, Bardo Pond et, plus récemment, les excellents Black Angels. Lenteur et lourdeur, les deux sœurs des langueurs électriques les plus délicieuses, se sont penchées sur ce berceau-là, à n'en pas douter. Si Baudelaire devait demain faire du rock, certainement irait-il lui aussi abreuver son inspiration à ces sources vénéneuses.
Sur scène, l'énergie est au rendez-vous, une énergie instable, fragile, en même temps qu'une émotion certaine à se trouver là. On lira souvent que Bobby Hecksher est charismatique. C'est vrai, certainement. Et son charisme va jusqu'à permettre au public de toucher du doigt une sincérité. Lorsque Bobby remercie le public de l'accueil (royal, délirant, amoureux) qu'il lui fait, lorsqu'il annonce qu'une ancienne chanson lui rappelle de puissants souvenirs, on a l'impression de voir sur scène un enfant trop sensible, surpris d'être si gâté pour son anniversaire, étonné de l'amitié qu'on lui témoigne. À des univers de distance de l'affectation showbizz que certains aiment à cultiver. Bien plus nu au milieu des déferlantes de décibels que d'autres n'osent l'être seul en scène, pourtant frêles derrière une simple guitare face à la foule.
De l'émotion, il y en eut également du côté de Moloko Velocet, formation lilloise tout à fait recommandable dont le chanteur semblait fort impressionné de jouer sur le scène d'un Grand Mix qui, avouons-le, joui d'une certaine aura.
Le groupe devait certainement se sentir impressionné, aussi, de partager l'affiche avec les immenses Warlocks, d'autant que c'est sur de semblables terres qu'il chasse : rock saturé et quelque peu psychédélique, dans la lignée d'un Spacemen 3, l'onirisme d'une guitare douze cordes en plus, Spitirualized sous éther.
Malgré la jeunesse encore évidente qui nécessitera qu'on le laisse finir de grandir pour dégager au mieux toutes ses nuances, le groupe propose déjà une musique tout à fait délicieuse.
D'autres ne s'y sont pas trompés, puisque le groupe a trouvé à faire publier un premier album, éponyme, par le petit label écossais Skittlebrau records (mars 2010, édition CD-R limitée à 100 exemplaires, épuisée), et s'acoquine également avec les toulousains du label Dead Bees (qui a justement dans son écurie le Brian Jonestown Massacre, mais aussi : Blitzen Trapper, the Black Angels, Rien...). Au vu de la belle prestation de ce mercredi, on ne saurait que souhaiter aux lillois un futur à la hauteur de leur talent. |