Revêtu de velours, le théâtre Sébastopol est un cadre plutôt insolite pour accueillir le rock rauque et amer de Shannon Wright. On se sent bien loin de l'intimisme d'une petite scène tel que le club de l'Aéronef où elle s'est produite l'an passé. L''électricité de l'artiste pouvait se transmettre directement au public, alors qu'ici, les places sont assises, la salle est décorée d'un lustre, les moulures sont dorées et le spectateur d'un autre acabit.
Shannon a donc misé non plus sur la violence et l'agressivité, mais la volupté faussement calme, telle que la fait découvrir son dernier album, Secret blood.
Le Sébasto' n'était peut-être pas le cadre idéal pour une telle introduction ? Un genre trop décalé pour ceux qui ne la connaissaient pas, et trop de nouveaux morceaux pour accrocher les rares fans présents...
Au final, il n'y a que les anciennes recettes qui fonctionnent, les acclamations ne se faisant entendre que sur quelques bons classiques tels que "You'll be the death". À un autre jour, Shannon, de préférence dans une salle qui te ressemblera un peu plus.
Soyons réalistes, ici, c'est un théâtre avant tout. Moriarty l'a bien compris, et a savamment orchestré tout son spectacle dans ce sens. Au centre de la pièce ? Rosemary, bien sûr, pin-up se dénudant au fur et à mesure de ses morceaux, à la voix aussi belle que son minois. Autour d'elle gravitent ses compagnons, français, américains, suisses, tant et si bien qu'on s'y perd un peu dans les langages et les paroles.
Chaque chanson est une nouvelle histoire, celle d'un condamné à mort, celle d'une enrôlée dans l'armée, celle d'un cow-boy... On aura bien sûr reconnu celle de Lily ou de Jimmy. Mais surtout, on découvre celles qu'on ne connaît pas encore, dont on assiste au dénouement pour la première fois, et qu'on attend d'entendre à nouveau dans un album à venir.
Chaque histoire mérite une nouvelle mise en scène, tantôt mise en avant d'un solo de guitare déluré, tantôt représentation théâtrale d'un jeu d'enfant, ou bien encore, leur formation préférée, tous ensemble autour d'un seul et même micro. Cette diversité se reflète dans les genres musicaux explorés, Moriarty joue avec les styles : du folk country au blues rock en passant par des airs de traditions irlandaises. Mais ce toujours en gardant une identité propre au groupe, dont ressort l'harmonica soulignant la voix de Rosemary, et surtout cette authenticité qui les rendent si attachants.
Le public, lui, est aux anges, riant à gorge déployée aux plaisanteries de la troupe, faisant vibrer les sièges d'un rappel des plus enthousiastes à la fin de la représentation. Il décide de conclure cette dernière par une ovation debout à grands cris et sifflements tandis que les artistes saluent au devant la scène, se tenant par la main, sourire aux lèvres. Rideau. |