Réalisé
par Mikhaël Hers. France. Drame.
Durée : 1h38. (Sortie 24 novembre 2010). Avec Thibaut Vinçon, Lolita Chammah, Dounia Sichov, Thomas Blanchard, Louis-Ronan Choisy, Didier Sandre et Marie Rivière.
En cette période de l’année, où chaque semaine un quinzaine de films nouveaux arrive sur les écrans, on a envie de soutenir, peut-être en se forçant un peu, des films fragiles qu’on sent pas forcément bien armés pour lutter contre les divisions blindées commandées par Harry Potter et Bruce Willis. C’est le cas de "Memory Lane", premier long-métrage de Mikhaël Hers qui suit le devenir de pré-trentenaires devenus récemment adultes et qui font, en quelque sorte, le deuil de leur jeunesse prolongée.
Chronique on ne peut plus fragile, surtout qu’elle s’intéresse à des personnages plutôt introvertis, qu’on attrape par petites touches. Il y a quelques semaines, les lecteurs de ces chroniques s’en souviennent peut-être, un film au sujet voisin, "La Vie au Ranch", jouait la carte inverse et gagnait la partie en suivant des filles bavardes, surexcitées et fêtardes.
"Memory Lane" n’a pas les mêmes atouts, et même, ajoute quelques handicaps, en premier lieu un titre qui ne définit rien du film.
C’est bien dommage car Mikhaël Hers réussit un vrai premier film original. D’abord, il traite d’une population mal connue, celle des jeunes gens issus de banlieues "chics", genre Boulogne ou Saint-Cloud, qui ne souffrent pas d’exclusion sociale mais vivent dans un monde plus urbain qu’urbanisé, où les maisons en pierre meulière possèdent des grands jardins, où l’on peut profiter des parcs et des zones boisées à quelque mètres du périphérique et du RER, où l’on peut vivre là tranquillement en vase-clos ou s’en échapper en quelques minutes.
Ensuite, il place ses personnages à un âge de la vie où l’on s’embarque définitivement et sans possibilité de retour pour le monde adulte. C’est l’âge où certains vont dériver, d’autres découvrir que leurs parents peuvent mourir, d’autres s’accrocher le plus longtemps possible à cette jeunesse qui s’éloigne, et quelques-uns enfin faire le pas entre l’amitié et l’amour. C’est ce qui va arriver à Vincent et à Christelle.
Mikhaël Hers filme avec une grande justesse l’évolution des sentiments des deux jeunes gens, et saisit alors l’indicible : l’instant précis où le passage s’opère, où les doigts des mains se touchent, se mêlent doucement et se serrent pour dire que l’amour est là. On n’oubliera pas les belles performances de Thibault Vinçon et de Dounia Sichov qui, pour son premier rôle au cinéma, irradie vraiment sur l’écran.
D’ailleurs, aucun des sept jeunes acteurs principaux de "Memory Lane" ne laisse indifférent. Tous ont un rôle à défendre, tous incarnent des personnages consistants, crédibles, loin de tout stéréotype et de toute caricature.
On mettra donc au crédit de Mikhaël Hers de belles qualités d’écriture et de direction d’acteurs, ainsi qu’une capacité méticuleuse à s’en tenir à des choix et à des parti-pris très personnels.
Bref, à l’heure où triomphe "Les Petits Mouchoirs", film qui prétend lui aussi dresser le portrait d’un groupe de “jeunes gens”, on ne doit pas négliger la proposition de Mikhaël Hers puisqu’elle a un avantage sur celle de Guillaume Canet : elle croit au cinéma.
Si affirmer que "Memory Lane" est l’anti "Petits Mouchoirs" peut convaincre le public très sollicité d’aller voir le film, on n’hésitera pas à l’affirmer péremptoirement. |