Monologue dramatique écrit et interprété par Nigel Hollidge dans une mise en scène de Véronique Ros de la Grange.
Quelques pas dans un jardin, une maison-théâtre, un escalier et voici la salle de toutes les attentes. XVIème siècle. L’Angleterre.
Un comédien-bouffon, un clown, William Kemp, jette toutes les feuilles écrites par le Maitre en vociférant : "Rien que des mots : Des mots !" (lui fait plutôt dans la grimace). Puis il accroche le portrait de Shakespeare, qui va observer ses pitreries avec un dédain éclairé.
Après un cours d’anglais, donné par une institutrice hystérique, c’est l’intermède musical, répétitif, avec apostrophe du public, questions bébêtes (mais estampillées "cafardise", avec le sceau féministe) remarques de commère sur les hommes (ils ne se rebellent jamais, ils en ont vu d’autres) et petits jeux de société. Puis l’on revient au sujet : la révolte du comédien contre l’auteur. Le portrait demeurera toujours baigné de lumière, narguant le temps.
Nigel Hollidge, avec cette méchanceté britannique, marquée par l’esprit de caste, tente d’ébranler le socle d’un monument, qui pourrait être une montagne. Il dit l’anglais, que personne, en France, ne veut vraiment comprendre (à part les hommes d’affaires) mais traduit souvent, c’est bien.
Plus le spectacle progresse, plus l’émotion monte. On le voit, ce Kemp, ce petit, ce cockney en guerre contre la "Haute" (les seigneurs d’Oxford) et contre l’abominable et trop talentueux William, qu’on moque toujours par dépit.
Spectacle désespéré contre le temps qui passe, contre la gloire qui rajeunit, contre l’obscurité où la foudre frappe, course finale sans espoir où, avec l’âge, on ne peut plus même être nu, cette météorite étrange, d’une autre Planète (qui commence aux falaises blanches de Douvres) bouleversera ou exaspérera, luttant contre la parodie, cette pieuvre ricananeuse qui pousse sous les planches, y cédant parfois, happé par ses tentacules, porté par un vrai comédien "à l’anglaise" c'est-à-dire en guerre contre la tradition et y succombant par orgueil national.
Le metteur en scène, Véronique Ros de la Grange, a subtilement organisé ce jeu d’ogres, où le courage revient à celui qui sait être mangé.
Bel exercice d’équilibriste, sans filet : Kemp-Hollidge, très périlleux ! |