Pour cette dernière Master Classe du millésime 2010, Jean-Laurent Cochet a encore l'embarras du choix parmi tous les élèves, déjà avides de se frotter aux planches, qui s'inscrivent pour passer une scène en public.
Déroger à l'introduction par une fable de La Fontaine, qui constitue la base de l'enseignement du métier de comédien aux Cours Cochet, ne pouvant s'envisager, la soirée commence avec non pas une, non pas deux, non pas trois fables, comme dirait le bonimenteur de service, mais par un festival en forme de montage narratif.
Habilement concocté par Benoît Chauvin, en qui le Maïtre voit un fils spirituel, dans les deux sens du terme, de Woody Allen, et qui se livre avec brio à un exercice "luchinien" les spectateurs reconnaîtront certes "Le loup et l'agneau" mais découvriront des fables moins usitées comme "L'avantage et la science" et "L'éducation".
Ensuite, un texte dramatique, fort et et éprouvant dans sa beauté poétique sur un père et son fils au départ pour la déportation, "En ce temps-là, l'amour..." de Gilles Segal dit par Eric.
Autre choix textuel pour Benjamin Descampsqui a choisi un texte du philosophe Alain intitulé "J'ai vu une des nouvelles locomotives de l'Ouest", dans lequel la célébration de la vitesse et du progrès prend la forme d'une réflexion métaphysique sur le temps et d'une ode à la contemplation, auquel son jeu très "ténébreux" - Jean-Laurent Cochet évoquant souvent Charles Dullin à son propos - donne une coloration fortement symboliste et presque fantastique.
Tirons le rideau rouge pour faire place au théâtre avec une éclectique sélection puisée dans les cinq siècles du répertoire classique.
Pour commencer, place au 17ème siècle et à Molière avec le monologue de la scène 2 du troisième acte de "Psyché" de Molière-Corneille par Aude de Commarque, jolie jeune femme au port élégant au jeu très éthéré. Contraste total, plus tard dans la soirée, avec le jeu névrotico-réaliste de Hugues Popot incarnant Harpagon dans la scène du vol de la cassette de "L'avare" de Molière.
Pour le 18ème siècle, Marivaux, bien sûr, avec la scène de la rencontre des deux ingénus élevés hors du monde dans "La dispute" interprétés avec beaucoup de fraîcheur par Julien et Barbara Castain.
Incontournable, le théâtre de Hugo pour le 19ème siècle, avec une scène de travail "obligatoire" pour les garçons, car considérée comme une scène de révélation avec le rôle de louis XIII, la scène 6 du quatrième acte de "Marion Delorme" de Victor Hugo, qui est donnée ce soir par deux comédiens d'âge très différent, un adolescent, Maximilien Solves, et un trentenaire, excellent, Thomas Montpellier, qui jouent le même rôle en suivant avec Hugues Popot donnant la réplique en Bellegarde.
Autre monument du siècle, "Cyrano de Bergerac" de Edmond Rostand, dont François et Maya de la Selle présentent la scène ultime, celle de la mort du rôle titre face à Roxane qui, en l'espèce, sans décor, sans costumes et sans picaresque, est une vraie pépite.
Changement de siècle et de ton avec Georges Courteline et Sacha Guitry. Sylvain Mossot et Romain Trichereau, respectivement metteur en scène matamore et en pseudo-auteur, jouent admirablement une comédie hilarante en un acte de Georges Courteline.
La soirée s'achève avec "Villa à vendre", une pétillante et fulgurante pièce en un acte de Sacha Guitry, interprétée par Juliette Delacroix, Bérénice Bala, qui a la pétulance nécessaire pour les rôles de "tempérament" qu'il s'agisse de la mégère de Shakespeare ou de la Lucienne de Marcel Aymé, et Nicolas Dubreuil, très à l'aise dans les rôles de "classieux" dilettante. |