Réalisé
par Michelangelo Frammartino. Itali-Suissse-Allemagne. Drame.
Durée : 1h28. (Sortie 29 décembre 2010). Avec Giuseppe Fuda, Bruno Timpano, Nazareno Timpano.
Difficile de parler, de bien parler, d’un film qui ne mérite pas que d’être commenté ou paraphrasé. "Le Quattro Volte" est en effet un film rare, un de ces rares films qui touchent au plus profond parce qu’ils sont une expérience, une expérience avant tout personnelle.
On ne peut pas raconter ce qu’on a vu, même ce qu’on a ressenti, on ne peut que proposer aux autres de faire la même expérience que soi. C’est une proposition, un "vas-y, fais moi confiance, tu ne seras pas déçu" qui n’a pas besoin, tout comme le film, d’être médiatisé par un discours intellectuel. On ne peut être qu’un "passeur" pas un discoureur.
Pour les plus cinéphiles, cette plongée dans une Calabre multi-millénaire, qui vit encore au rythme des fêtes et des traditions du passé, pour qui la mort d’un berger et la naissance d’un chevreau sont des événements considérables, pourra rappeler les images arméniennes d’un Artavazd Pelechian ou celles pleines de grandeur monotone de Kaneto Shindo filmant l"Ile nue". Reste aussi l’ombre du grand Robert Flaherty, celui de "L’Homme d’Aran".
Dans son précédent et premier film, "Il Dono", Michelangelo Frammartino parlait déjà d’un village de sa Calabre magnifique et magnétique. Ici, il s’est peut-être encore plus trivialement attaché àdécrire simplement la vie, les jours, la mort. Tout fait donc sens : des Romains qui reviennent crucifier un Christ consentant, un chevreau perdu, un grand arbre qu’on abat, des charbonniers qui ont le secret du charbon de bois, un berger qui se couche pour la dernière fois.
"En Calabre, la nature ne connaît pas de hiérarchie. Tout être possède une âme." dit le réalisateur. Il dit en Calabre parce que ce modeste n’a pas l’arrogance de dire le "monde", mais son film permet d’oser généraliser.
Cette heure et demie, simplement pleine des bruits du vent, des clochettes des chèvres, des tronçonneuses et du feu qui crépite, est une plongée salutaire dans l’âme humaine quand cette âme retrouve le chemin de la nature.
Sans doute, ça ne marchera pas pour tous les spectateurs, mais, même si l’alchimie ne prend pas, si certains ricanent devant les aventures de ces chevrettes impertinentes, s’ils ne voient pas ce que Michelangelo Frammartino a voulu leur faire voir, ils auront fait l’expérience de la contemplation.
A leur cœur défendant, ils auront reçu ce cadeau magnifique qu’on n’offre désormais qu’en secret : le partage de la poésie... |