A partir du mardi 28 décembre 2010, on pourra en allant au Musée d'Orsay faire d’une pierre deux coups : contempler l’exposition consacrée au peintre Jean-Léon Gérôme, spécialiste des grands sujets mythologiques ou antiques, et voir ou revoir les grands péplums qui ont marqué l’histoire du cinéma.
Pour une fois, le rapprochement peinture-cinéma n’aura rien de forcé puisque c’est en découvrant les tableaux de Gérôme sur les jeux du cirque romain, et particulièrement ceux où il met en scène des gladiateurs ou des chrétiens face aux lions, que bien des cinéastes, de Stanley Kubrick ("Spartacus") à Ridley Scott ("Gladiator") ont eu envie de faire revivre les temps antiques.
Dès ses origines, le cinéma a cherché à recréer les grandes heures de l’humanité. En quelques minutes, les premiers films "d’art", comme on disait alors, reconstituaient des scènes bibliques ou des scènes édifiantes de la vie de Jésus. Il était donc naturel que les premiers "vrais" films tournés à partir des années 1910 aient pour sujet l’Antiquité.
On pourra le vérifier dans la rétrospective du Musée d’Orsay qui programme un film rare de David Ward Griffith, "Judith de Béthulie", datant de 1913 et la série des grands péplums italiens vraiment à l’origine du genre : "Quo Vadis ?" (1912), "Les Derniers jours de Pompéi" (1913) et "Cabiria" (1914).
Ce dernier film, tourné par Giovani Pastrone, dure près de trois heures, et reste une date dans l’histoire du cinéma puisqu’il est, avec les œuvres quasi contemporaines de D.W. Griffith "Naissance d’une nation" et "Intolérance", la confirmation que le cinéma, sous sa forme moderne du "film", allait être l’événement marquant du siècle en fournissant à des millions d’hommes un grand spectacle universel "plus grand que la vie".
Avant que les États-Unis ne parviennent à imposer définitivement leur imaginaire propre au monde entier avec le western, le péplum était le genre parfait pour captiver les peuples occidentaux et permettre au cinéma de gagner ses lettres de noblesse avant que la comédie se démarque du théâtre et le burlesque du cirque et du music-hall.
Comme on le verra à Orsay, le péplum est un genre foisonnant composé de nombreux sous-genres : péplums bibliques ("Le Roi des rois", "Le Signe de la Croix") ou mythologiques ("Jason et les Argonautes"), péplums grecs ("Le Colosse de Rhodes") ou péplums romains ("Les Derniers Jours de Pompéi", "Spartacus"), certains opérant même la synthèse entre histoire romaine et histoire chrétienne ("Quo Vadis ?", "Ben-Hur").
Le spectateur, en comparant les deux "Derniers Jours de Pompéi" proposés, découvrira aussi les différences entre Hollywood et Cinecitta, entre le péplum version italienne et le péplum version américaine. Il s’apercevra également que le péplum ne supportant pas la médiocrité, et nécessitant de gros moyens, il est la plupart du temps confié aux metteurs en scène les plus prestigieux : David Ward Griffith, Cecil B. De Mille, Sergio Leone, William Wyler, Vitorrio Cottafavi, Stanley Kubrick...
S’il aime le classicisme, il ne sera pas déçu par le "Ben Hur" muet de Fred Niblo, s’il aime le baroque, il se précipitera à "Théodora, impératrice de Byzance" de Riccardo Freda avec l’énigmatique Giana Maria Canale.
S’il est mélomane, il privilégiera les films muets qui, traditionnellement à Orsay, bénéficient d’un accompagnement musical de grande qualité.
Pour les enfants, il ne faut pas manquer "Jason et les Argonautes" péplum anglais qui bénéficie de l’apport du grand précurseur en matière d’effets spéciaux, Ray Harryhausen.
Bref, un beau programme qui constituera une belle entrée en matière dans un genre qui compte bien d’autres chefs d’oeuvres et qui, effets numériques aidant, semble même renaître avec des films récents d’un grand intérêt (“Agora”, “300”). |