Tétard
a frappé très fort avec ses _12
pures chansons récemment ressorties sur le label Demain
La Veille. A la fois pop, folk ou rock, ses chansons font mouche
avec des textes prenants et des arrangements facétieux.
Pourtant l’artiste sort un peu de nulle part. C’est
vrai que cet album est son premier mais c’est également
une réédition. Nous avons voulu savoir.
Donc voilà : nous vous présentons Tétard chez
les froggy’s.
Est-ce que Tétard est un groupe ou un projet
solo ?
A la base, Tétard est un projet solo qui
tend de plus en plus vers le groupe. C’est vrai que j’ai
réalisé le premier album en solo mais jouer tout seul
avec ma guitare acoustique pour les concerts n’était
pas vraiment mon but. Depuis un an j’ai tourné avec
mon petit groupe avec lequel j’ai l’intention d’enregistrer
le prochain album. Même si c’est moi qui écris
les chansons et amène la base musicale, j’essaie vraiment
d’impliquer mes musiciens et, en contrepartie, ils s’impliquent.
J’ai un bassiste, Gérard, et un batteur,
Pierrot, et lorsque nous jouons les nouvelles compositions sur scène,
on sent vraiment leur touche. Il y a une implication totale de mes
musiciens qui essaient de coller à l’" esprit
Tétard" et ainsi Tétard tend à devenir
un groupe. C’est ce que je souhaite faire et d’ailleurs,
l’album qu’on va enregistrer, on le signera ensemble.
Sous le nom de Tétard nous serons tous les trois à
signer les musiques.
D’où vient le nom de ton projet ?
Je m’appelle David Tétard. Quand j’ai
commencé mon projet solo, j’ai cherché un nom.
En fait, il était tout trouvé. Ce nom fait partie
de moi, il a dû déterminer certains de mes comportements.
Il n’est pas tous les jours facile à porter.
Tu aurais pu en changer pour la scène ?
Oui mais non. J’ai préféré
le remettre en avant. En plus il va bien avec ce que je souhaite
faire avec Tétard : avoir du recul, créer un décalage,
placer un peu d’ironie par rapport à la relation amoureuse
et à ce qu’elle engendre. Le nom colle parfaitement
: le gars qui s’appelle Tétard, il ne va pas jouer
le Don Juan. Depuis cinq ans que je porte ce nom sur scène,
je trouve qu’il colle parfaitement à la musique et
à ce que je souhaite faire.
Pourquoi as-tu eu envie d’enregistrer ton
premier album et comment l’as-tu fait ?
Je faisais de la musique tout en étant à
la fac et j’essayais de former un groupe. Je n’ai jamais
réussi à faire tenir un groupe. Cela a commencé
à m’énerver et j’ai commencé à
composer deux trois chansons à la maison. Une amie de la
fac – Julie, la fille qui chante sur mon disque – à
qui j’ai fait écouter mes chansons sur un MD m’a
dit : "Eh ! Mais c’est vachement sympa, tu écris
pas mal, tu as une voix particulière... ". Julie était
la petite amie de Philippe, le gars des Wampas.
De fil en aiguille il a écouté un
peu ce que je faisais, il m’a encouragé, il m’a
dit : "Mais vas-y écris, écris, écris
! Si tu veux écrire une bonne chanson, il faut en écrire
plein." Donc j’ai écrit plein de chansons et un
jour il est venu à la maison, il m’a aidé à
les rendre un peu plus carré, faire une intro, une fin, il
y mettait de belles guitares. Au bout d’un moment j’ai
eu une trentaine de chansons. Je ne travaillais plus que pour ma
musique. Je faisais quelque bars de temps je chantais mes chansons
et des reprises.
Un jour je me suis décidé, j’avais
envoyé des maquettes à des maisons de disques et jamais
de réponses. Alors j’ai demandé à Philippe
s’il pouvait m’aider à enregistrer et il m’a
dit :"Ouais. Bingo. Je connais un gars qui a un studio"
. Il m’a fait rencontrer un batteur, un bassiste et un clavier
et l’affaire a été enregistrée en quatre
jours de prises. Les musiciens ne connaissaient même pas les
morceaux, c’était Philippe et moi qui leur montraient
les accords, on drivait tout le monde. Le gars chez qui j’enregistrais,
Thierry Los chanteur guitariste des Vegomatic, et Philippe ont été
les réalisateurs – arrangeurs du disque, connus sous
le nom d’Abdul et Cléopâtre sur le disque. Aujourd’hui
je travaille toujours avec la même équipe et on part
enregistrer chez Thierry en août.
Le disque a donc été un tout petit
budget réalisé en quatre jours. Une fois que j’ai
le disque, j’en fais presser mille. Ils arrivent dans ma chambre,
je les regarde et – angoisse ! – qu’est-ce que
je vais en faire ? Je relève mes manches, je prends trois
canards, les plus importants, Libé, Les Inrocks et Télérama
et je les envoie. Aussi à des maisons de disques. Personne
ne me répond. J’avais envoyé ça en juin.
Début septembre, je me retrouve chroniqué dans Libé,
Les Inrocks et Télérama. L’encouragement de
dingues !
Cela s’enchaîne. Le type de la Fnac,
Olivier Bas, me dit "J’ai craqué sur ton album.
Je l’avais écouté une fois, je suis passé
à côté, ça m’a paru bien mais sans
plus. Et je me suis trouvé coincé dans ma caisse avec
et j’ai fait toute la route avec lui et impossible de décrocher
de ton album, je l’adore ! Il faut que je te mette sur les
indétendances". Je sors sur les indétendances,
le Fnac me prend 700 disques et je commence un petit bout de route.
Je vais à Bourges. Et ça s’essouffle un peu.
Résultat des courses : je me suis planté
en moto en juin de l’année dernière, j’étais
coursier, je reprenais un peu le travail. Gros accident, du coup
la musique exit, je me concentre sur ma santé et vers décembre
je refais un petit concert aux Primeurs de Massy parce que l’organisateur
Christian Mougin insiste. J’y vais et rencontre Marco et JM
du label DLV. Je leur parlais de mon nouveau disque mais ils m’ont
dit "OK pour le deuxième album mais tu nous laisses
ressortir le premier. T’as pas le droit de le laisser comme
ça. C’est un album que personne ne connaît..."
. Au début j’avais un peu peur mais je leur ai fait
confiance et l’album ressort maintenant. On a quelques bons
retours. J’ai compris qu’il fallait donner à
l’album la chance qu’il méritait.
Pourquoi ne voit-on pas le titre de la dernière
chanson ?
Au début, tu fais les choses sans vraiment
savoir pourquoi mais après, avec du recul, tu comprends.
Tétard, c’est un nom rigolo, "_12 pures chansons"
un titre bizarre et on a continué à faire bizarre
: on en a listé que 11 et laissé la douzième
comme çà. Elle est enregistrée dans un jardin,
on entends les oiseaux chanter, je donne les accords. C’est
Thierry Los qui joue de la guitare et c’est moi qui chante.
C’est une chanson comme les autres, c’est juste qu’elle
est enregistrée dehors. Cette chanson-là, "Près
du pôle nord" , je vais la remettre sur le second album,
pareil, elle sera en ghost track. Nous avons l’intention de
faire une prise live très rock’n’roll.
Qu’est-ce qui te fait écrire ? Qu’est-ce
qui t’influence ?
Quand j’ai enregistré le disque,
j’avais 25 ans, j’avais une maîtrise d’AES
et j’avais une voix toute tracée devant moi : enfiler
mon costume et aller travailler. Et là : panique ! (ndlr
: Matthieu, le manager et ami de David, arrive)
Je ne suis pas très engagé. Sur le premier album ce
n’est pas forcément mon but d’avoir des choses
à dire, de donner des leçons. Sur le second, j’ai
essayé de pousser ma réflexion. Sur une chanson comme
"Elle m’a quitté" , j’ai essayé
de ne pas reproduire le schéma. Par contre ce qui est sûr,
c’est que le petit concept que j’ai avec Tétard,
c’est celui d’un garçon qui s’adresse à
une fille. Ce n’est pas toujours le cas, mais c’est
ce que l’on croit.
Dans le prochain disque, il y a quelques
réflexions sur la vie, sur ce qu’on doit faire de sa
vie, ce qui se passe dans le monde mais ce n’est pas politisé.
Le choix de faire de la musique, d’écrire est mon seul
moyen d’exister, j’ai toujours eu ça en moi.
J’ai toujours été un clown à l’école
et j’aurais presque pu faire du café-théâtre
mais je suis très mauvais acteur, je bloque facilement. Avec
du recul, cela fait cinq ans que je fais ça et je ne regrette
absolument pas : c’est l’expression de ma liberté
même si ça coûte de faire de la musique notamment
pour le niveau de vie. Il y a des sacrifices à faire cependant
ce n’était pas possible de faire autrement pour moi.
Des artistes t’ont inspiré ?
Oui. Au-delà de la musique, je lis. Peu
mais je lis. Par exemple "la valse aux adieux" est le
titre d’un roman de Kundera. Ce bouquin est fait de petites
réflexions pseudo philosophiques sur la vie qui me parlent
vraiment. Je me laisse influencer par beaucoup de gens : par Boris
Vian, par Prévert, Baudelaire... J’ai lu ces auteurs
lorsque j’étais assez jeune sans vraiment comprendre
au début.
Musicalement, c’est super large. Sur le
premier album on m’a traité de Miossec et je comprends
totalement mais j’ai essayé de rendre de petits hommages
à d’autres comme Dylan, Jonathan Richman ou Ben Harper.
J’ai pensé aux Objets ou à
Mickey 3D ou au Velvet...
Je connais les Objets, j’adore Mickey 3D
et si tu écoutes mes chansons, malgré mes efforts,
c’est un riff à la Lou Reed. Maintenant j’ai
tellement d’influences que je ne peux pas dire. J’adore
le reggae jamaïcain des années 60-70. Je suis tombé
dedans. J’écoute beaucoup de rock, parfois un peu de
jazz, comme Duke Ellington et plein de hip-hop américain.
Après il y a mes qualités intrinsèques : je
fais ce que je peux faire de mieux. Le gros rock cela ne m’allait
pas. Plus les choses avancent et plus je me retrouve dans ce que
je fais.
A l’écoute de tes textes, qui sont
très matures, on a la sensation que tu t’inspires de
ta vie personnelle. Notamment des chansons comme "Envie"
marquent, fascinent, par leur réalisme et leur originalité
de ton. Est-ce que tu tires tes chansons de ta vie ?
Justement "Envie" est une de mes chansons
ultime. J’y ai mis quelque chose qui me perturbait. Des fois
je me demande si les gens comprennent bien. Par exemple "Hiliho"
, la première chanson, parle d’une branlette : à
cinq contre un, c’est une métaphore pour exprimer la
branlette. Et l’histoire de "Envie" m’est
arrivée, oui.
Ma copine m’a trompé et au lieu de
me dégoûter, cela m’a ouvert des portes. J’ai
compris qu’elle pouvait avoir envie de sexe et c’était
bizarre parce que d’un côté je la détestais
et de l’autre, notre relation sexuelle a complètement
changé. Elle a assumé mes envies et moi j’ai
accepté de la voir autrement. Cela m’est arrivé
quand j’avais dix sept ans, j’en ai vingt neuf aujourd’hui
et la chanson je l’ai écrite il y a six ans. J’ai
mis beaucoup de temps à exprimer ce que j’ai ressenti.
Cette chanson est adulte. Elle m’a été aussi
inspirée par "Sex shop" de Serge Gainsbourg. Ce
thème-là m’intéressait : ma copine me
trompe et pourtant j’ai encore envie d’elle.
C’est une façon d’écrire
ta vie ?
Oui ! Totalement.
Toutes tes chansons sont-elles comme ça
?
C’est vrai pour "_12 pures chansons".
Dans le second, qui est quasi bouclé, ce sera toujours personnel
mais je parle aussi dans une chanson comme "j’dirais
pas non" de mon impossibilité à communiquer aux
autres ce que je ressens. Et je crois que c’est pareil pour
tout le monde. Si une fille te demande si tu l’aimes, tu as
envie de répondre "Mais tu le sais. Pas la peine de
te le dire". Et ceci est vrai dans toutes les sphères
où la communication est délicate.
J’ai essayé de garder mon côté
rigolo, mon côté amoureux et d’être moins
basique. On a enregistré "_12 pures chansons" en
quatre jours et nous sommes allés à l’essentiel.
J’ai essayé de faire un bon disque, de la musique qui
s’écoute et qui ne prend pas la tête avec de
l’énergie, de l’ironie comme dans "l’île
de Ré". Dans le second album, j’élargis
mon champ de sujets, de trouver encore plus ma voie. J’espère
qu’il apparaîtra moins torturé parce qu’il
y a la torture et la personne qui pose des questions. Je pose des
questions. Tout le temps. Depuis que j’écris le nouvel
album, je n’ai pas eu de déception amoureuse alors
que pour "_12 pures chansons", c’était dur.
Lors d’une interview hier, le chroniqueur
me disait qu’il y avait beaucoup de chansons sur la rupture.
Ben oui, j’étais en plein dedans ! J’ai essayé
de me servir de l’émotion, de ce que je ressentais
et ça a donné, par exemple, "la valse aux adieux"
qui malgré mes efforts est un chanson rock. Même si
je parle de rupture j’essaie de faire des chansons toutes
différentes avec le sentiment de la rupture. Maintenant j’ai
essayé de plonger plus dans ma musique. J’ai rencontré
des gens mais je ne me suis plus laissé aller à quelque
chose de passionnel et ça ne dessert pas mon propos d’ailleurs.
Pourquoi ne te voit-on pas plus souvent en concert
?
Cela ne dépend pas de moi : c’est
dur de jouer et en plus je pense que j’ai mon originalité
et que je ne fais pas partie d’une scène précise.
Je ne suis pas convaincu que tout le monde percute à ce que
je fais. Les gens ont envie de voir des concerts carrés.
Quand je me présente sur scène, je ne fais pas du
théâtre, j’essaie de jouer le plus vrai possible.
Nous avons joué lundi soir au Tryptique (ndr : le
7 juin 2004) et j’étais à
côté de mes pompes. J’ai fait mon travail mais
je n’ai pas réussi à parler. Je n’ai rien
de préparé quand je monte sur scène. Pourtant
je sens que les gens aiment ma musique.
Après c’est peut-être
les programmateurs, ceux qui peuvent faire les choses, qui sont
un peu hermétiques. Lors du dernier concert, je n’ai
eu que des échos positifs. C’est vrai qu’on ne
joue pas beaucoup et espérons qu’avec les gars du label
et notre nouvelle tourneuse les choses s’arrangent. Nous allons
travailler à partir de septembre à l’organisation
d’un planning pour que nous ayons deux-trois dates regroupées
par semaine. Cela fait à peine deux mois que je suis entouré.
Avant je cherchais les dates moi-même.
Et encore quand je regarde avec du recul
ce que nous avons fait, c’est plutôt bien : nous nous
sommes toujours débrouillés pour avoir entre dix et
quinze dates par an. Pour un groupe, sans moyens, complètement
autonome, c’est pas mal. D’autant plus que j’essaie
de franchir des étapes. Mon truc c’était pas
forcément de monter sur scène seul avec ma guitare.
Je me suis fait mal à faire ça. Aujourd’hui,
je prends ma guitare électrique quand j’en ai envie,
j’ai mon bassiste, ma batterie, je suis bien.
Quel est le titre de ton deuxième album
?
Je ne sais pas d’autant plus que le titre
du premier me plaît bien. Je voudrais que le second soit un
peu dans cette idée. J’ai mes petites manies : j’enregistre
en analogique, j’aime la guitare, j’aime que les chansons
ne durent pas plus de trois minutes sauf si le propos s’y
prête. Par exemple une chanson comme "laisse bien"
avait des raisons de dépasser les trois minutes alors que
"l’île de Ré", non. J’aime bien
que le titre d’une chanson soit extrait du texte de la chanson
mais je n’aime pas que l’album porte le titre d’une
chanson. Je vais enregistrer l’album, regarder la pochette
et après je choisirai le titre de l’album.
Peux tu décrire Tétard en trois
mots ?
La simplicité.
Le cœur.
Rock’n’roll même si je ne parle pas de ma musique
là mais de mon état d’esprit. En même
temps pour faire du rock’n’roll, il faut du cœur
et de la simplicité...
Merci à David Tétard, Matthieu,
Marc (Demain La Veille)...
You’re on the right way.
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