Drame historique de Dominique Sabourdin-Perrin, mise en scène de Jean-François et Hélène Fabe, avec Clémentine Stépanoff, Marie Lussignol, Paul Bonneric, Christophe Cellier, Jérémy Faubet, Cécile Coutin, Dorothée Salles, Anne Marie Bellisario, Arnaud Faure Beaulieu et Marc-Henry Emery.
Le martyr du Dauphin. Les angoisses de Madame Royale. Les yeux sans larmes de Marie-Antoinette. Le Roi absent puis guillotiné. Les ombres de la Tour du Temple, dans la mémoire d’une nation qui fut Royaume.
De ce sujet historique riche et obsédant, Dominique Sabourdin-Perrin a composé un opéra de cinq actes, où les instruments sont à la fois la voix, les portes claquées, les murmures et les roulements de tambour, au cœur de la poitrine.
Idée brillante : Dieu, ennemi désigné de la Révolution et le Roi, son représentant sur terre, tous deux pères et le Père, évoqués, priés, aimés, pleurés, sont interdits de scène : ni crucifix, ni citoyen Capet. Tous deux rejetés. Les femmes et l’enfant demeurent seuls, aux mains des soudards, sous les cris des tricoteuses, déjà en enfer pour attendre une mort-délivrance. Les tableaux s’enchainent, la situation empire, le pire est dépassé : demeure, sur un petit lit d’agonie un enfant qui demande à mourir, orphelin, haï d’exister, victime expiatoire.
Un socle de comédiens convaincants, réunis dans une mise en scène de Jean-François et Hélène Fabe, permet à l’imagination d’errer dans ces couloirs de ténèbres : Marie-Antoinette, c’est Clémentine Stépanoff, exquise jeune fille qui a su donner vie à cette Reine déchue, à la lisière de la majesté et de l’outrage, rendre vraie cette mère à laquelle on arrache son enfant, qui en appellera aux "mères de France" lorsque l’inceste osera lui être reproché. Belle prestation d’une comédienne sensible et inspirée par la Grâce.
A côté d’elle, Marie Lussignol, autre grand talent, s’empare du rôle difficile de Madame Royale, fille de Louis XVI et de la Reine, jetée, adolescente encore, dans les geôles révolutionnaires. Avec cette insouciance qu’on ne retrouve plus, l’extrême jeunesse passée, elle traversera ce tunnel de sang, mais en demeurera, meurtrie, et déroulera une vie de frayeur et d’angoisses. Cette jeune comédienne sait faire surgir cette souffrance obsédante. Le jeune Paul Bonneric émeut beaucoup aussi dans le rôle du petit Dauphin.
Enfin, mention spéciale à Christophe Cellier qui, s’emparant du terrible personnage du cordonnier Simon, devient, sous ses traits métamorphosés, une sorte de "Thénardier" hideux et brutal, à la mesure de ce que l’Histoire en a retenu. Un peu plus tard, par la magie funèbre de la schizophrénie, mal encouragé au théâtre, il incarne un Lasne beau d’humanité, celui qui saura, enfin, prendre pitié de l’enfant blessé. Voici un acteur ! Il y a aussi l’exquise Cécile Coutin, qui chante avec émotion les couplets peu républicains de Théodore Botrel, ponctuant les scènes de sa belle voix émouvante.
La fin de la pièce bouleverse et remue. Avec un peu plus de rythme et quelques remplacements, "Les enfants du Temple" atteindront le niveau qu’un texte de qualité et la présence de comédiens de classe méritent. |