Texte de Christian Prigent dit par Jean-Marc Bourg.

Oedipe, trauma enfantin, manifestations hystériques et rétention anale sont les sujets évoqués dans "Une phrase pour ma mère". Mais qu'on se rassure, le public n'est pas convié à assister à une séance d'auto-analyse complaisante.

Le texte de Christian Prigent, très écrit, joue des allitérations et assonances, des mots-valises et des paronomases. Les idées s'enchaînent, se succèdent, sans arrêt, sans liant forcément, s'enliant forcément, s'enliant férocement.

Un texte dont la mère est la matrice, biologique bien entendu, mais aussi d'imprimerie puisque c'est elle qui crée les lettres qui créent les mots, voire mathématique puisque mère / femme, maman / putain.

Jean-Marc Bourg, seul, habillé de gris et de noir, dans un décor entièrement dépouillé fait de rideaux de feutre noir tendus le long des murs, débite son texte à un rythme effréné, hystérique au sens commun du terme. Il entre en scène, à la faveur de l'obscurité, d'un long couloir à peine visible avant que les lumières ne s'allument. Sa voix résonne déjà avant même ce symbolique accouchement pour ne plus jamais s'éteindre avant la fin du spectacle.

Le public est d'abord intrigué, cherchant un sens à ce flot continu, puis se laisse finalement emporter par la puissance et la cadence de la charge. Les incohérences, témoignages de mauvaise foi et situations décrites qui hésitent entre le grotesque et le scabreux amènent souvent le rire des spectateurs. Car il faut le dire, on rit beaucoup durant ce spectacle.

Le principal artisan de ce rire est Jean-Marc Bourg qui réalise une prouesse époustouflante en terme de rythme, de diction et de mémoire. Il se démène avec ce monologue aussi hallucinant qu'halluciné, se bat avec cette langue impossible, se contorsionne pour attraper cette grammaire affolée, et dompte finalement cette logorrhée obsessionnelle et musicale.

La mise en scène minimale sied bien à une prestation qui se regarde d'abord avec les oreilles. "Une phrase pour ma mère" se révèle donc, loin des a priori, être un spectacle drôle, à voir aussi pour la performance d'acteur de Jean-Marc Bourg.