Si il y a bien une idée que j’aime, ce sont ces gros bouquins qui réunissent en un seul volume la liste complète des nouvelles d’un auteur.
Je ne dis pas cela seulement pour Omnibus qui a su regrouper les écrits de Dashiell Hammett dans un pavé de 1 312 pages, mais parce qu’il y a un je-ne-sais-quoi, qui me semble pratique, agréable à feuilleter pour la lecture, en un mot, un livre qui loge parfaitement au creux de la main.
Difficile à quitter. Il inspire tout, sauf la lassitude...
Et lorsqu’il s’agit de l’intégrale d’Hammett (les nouvelles) on ne peut que se réjouir. Voilà de quoi compléter ce que vous vous êtes sûrement procuré l’année dernière chez Gallimard (l’intégrale des romans parue dans la collection Quarto, avec une nouvelle traduction), offrant enfin à votre bibliothèque noire l’ensemble littéraire du père du roman policier moderne.
Et comme un cadeau ne vient jamais seul, sachez que vous trouverez dans "Coups de feu dans la nuit" huit nouvelles inédites de Dash. Une préface de Richard Layman et un texte inédit de Julie M. Rivett, petite fille de Dashiell Hammett. Ajoutons le plaisir de lire Natalie Beunat, que l’on peut écouter tous les quinze jours dans l’excellente émission "Mauvais Genre" sur France Culture le samedi entre 19h et 20h, et qui vient de signer un texte de présentation générale de l’œuvre de l’auteur du "Maltais", finissant ainsi de nourrir cette édition déjà riche en curiosités. Car il s’agit bien ici d’un cabinet de curiosités.
Des écrits qui nous titillent à chaque page. Le style, naturellement, (à la limite entre recherche de la description juste et - déjà - empreinte future des romans) mais aussi et surtout la découverte de personnages croisés dans le futur. Ici, nous sommes face à la genèse de ce qui fera le succès d’Hammett. La liberté du verbe dans une action descriptive. Le mot devient la munition d’une arme automatique. L’auteur sait user de la violence pour nous offrir un monde en apesanteur, hors du temps et pourtant terriblement représentatif d’une époque.
C’est naturellement, et on l’aura compris, tout le plaisir de la découverte.
Découverte littéraire, découverte des indices permettant de retrouver ici et là les traces laissées par un Dashiell Hammett qui était alors employé à l’agence Pinkerton.
Comment lire ces soixante cinq nouvelles, qui, comme tout le monde le sait,
dépassent rarement les quinze pages ? Et que trouve-t-on dans ces histoires courtes dont beaucoup ont été publiées dans "Mask" ? Une continuité, ai-je envie d’écrire. Un filage, pour être précis. Qui, de nouvelles en romans, offre une perception homogène du regard d’un auteur. Un homme qui a toujours su ouvrir les yeux et se battre (n’était-ce pas un dur à cuire ?) quitte à se retrouver devant la commission des activités antiaméricaines du sénateur Mc Carthy (lire les minutes du procès parues aux Editions Allia, traduites par
Nathalie Beunat) pour en prendre plein la gueule sans dire un mot.
Dashiell Hammett a la trempe de son héros fétiche, Sam Spade. Et c’est tout naturellement ce que vous ressentirez en lisant le bouquin.
Et, pour ceux qui découvriront cet auteur, il faut savoir que sa modernité (son écriture et sa façon de raconter l’histoire policière) a sorti le roman policier de l’ornière chic d’un Hercule Poirot (j’adore aussi Agatha Christie) et plus largement des romans à énigmes.
Cette modernité, c’est l’immense Raymond Chandler qui la résume le mieux : "Coups de feu dans la nuit" est un monument. Un pan de la littérature policière et sociale (l’un ne pouvant pas aller sans l’autre dans le polar), qu’il faut lire comme une piqure de rappel, et pour nous rappeler que la réalité humaine se peint le plus souvent en noir. |