Je dois avouer honteusement que je n’avais jamais entendu parler de cette formation avant leur débarquement au pied levé à la Route du Rock cet été, pour remplacer les infortunés Ganglians. Et ce fut un choc : leurs belles envolées lyriques (coïncidant avec le retour du soleil par une fin d’après-midi Malouine) ouvraient en douceur la dernière journée du festival. Leur prestation ce soir là réussissait à envoûter un public initialement un peu rétif à ces bidouillages rythmiques et sonores, frôlant parfois l’expérimentation. La magie tenait pour beaucoup dans le charisme dégagé par ce combo Suédo (pour sa grande majorité) – Canadien (Simon Angell, le guitariste de Patrick Watson), qui respire la simplicité et l’harmonie.
Bref, c’est rempli de ces heureux souvenirs que je me lance dans l’écoute de leur premier album Cardiac Malformations. Et dès les premières notes, je peine à retrouver cet élan et cette force qui m’avaient tant subjugué. L’explication est toute simple : les compositions complexes du groupe oscillant entre folk, jazz et pop baroque se vivent tout autant qu’elles s’écoutent et le fait de nous priver du visuel non seulement ôte un peu d’effet à l’ensemble (et je ne parle pas que du charme de la classieuse Erika Alexandersson) mais rend aussi l’accès moins immédiat.
C’est finalement au fil des écoutes que l’on parvient à pénétrer leur univers sombre et onirique, alliant la talentueuse pop scandinave aux bidouillages auxquels nous ont habitués les formations Québécoises ces derniers temps (Clues, A Silver Mt Zion).
L’inquiétant premier titre "Yellow Desert" et les trémolos de sa flûte traversière empiète voire piétine les terres vocales de Florence & the Machine (la grandiloquence en moins) pour un long voyage (les titres avoisinent les 5-6 minutes de moyenne) qui s’annonce pleins de surprises. Plus loin, c’est ambiance Cabaret avec les jazzy "Sometimes" / "A Volcano in my Chest" qui mêlent piano déchaîné et chœurs endiablés ! Sur l’harmonieux "When She Arrived", c’est une Kate Bush Nordique qui semble s’inviter aux détours d’un accord de harpe. Enfin, le troublant "The Atlantic" clôture l’album de jolie façon dans un folk planant que n’aurait pas renié Tarnation, sur fond de chœurs et de touche de guitare très Morriconnienne, nous permettant de redescendre progressivement, par paliers, histoire de ne pas sortir trop brutalement de ce monde étonnant.
Vous l’aurez compris, cet album est riche et audacieux, difficile à décrire et clairement pas taillé pour la radio (mais est-ce un mal ?). Il est grand temps de retrousser ses manches et d’aller étudier de près cette Malformation Cardiaque, mystérieuse et enthousiasmante à la fois. Cela se mérite véritablement mais le bonheur est au bout du chemin (et surtout, pour les chanceux, d’une salle de concert) ! |