Un disque peut mettre du temps à se laisser entendre. Il faut savoir écouter de nouveau, parfois, d'une oreille neuve. Oublier pour mieux redécouvrir. On a pu croire, longuement – patiemment, même, tant on a pour les New-yorkais d'Interpol une sorte d'amour résiduel, toujours déçu mais encore plein d'espoir – on a pu croire que c'était ce dont il s'agissait, une fois encore. Une fois encore, à tort.
Interpol ou l'histoire d'un désamour croissant, après le coup de foudre soudain d'un automne-hiver 2002, ce Turn on the bright lights touché par la grâce qui sut rendre meilleurs bien des jours froids ou sombres. Puis la succession morne de titres tristes comme un quotidien sans cinéma, le succès ne venant pas, qui se souvient de la bohème, de ses amours de ces temps-là.
Septembre 2010, vouloir peut-être encore y croire rien qu'un peu. Quatrième album, éponyme plein de promesses. Il se murmure que le groupe aurait "ressorti les guitares", qu'il serait "revenu aux sonorités du premier album". On se prend à rêver un peu. A n'en pas croire ses oreilles lorsqu'elles nous crient que ce disque-là non plus n'a pas d'avenir.
Se donner du temps, donc, pour voir, pour écouter encore et se laisser prendre à croire les mensonges d'un retour aux temps héroïques. Se bercer de mensonges, se berner soi-même. Oublier l'interminable concert qui aura su rendre passables les anciens meilleurs titres ("Obstacle 1", "Leif Erikson"...) sur la foi des quelques minutes lumineuses d'un "Lights", bien plat single radiophonique enfin révélé sur scène. Se prendre à y croire, réécouter, encore et encore, espérant entendre, par-delà la platitude des titres à l'inspiration indigente, quelque chose, rien qu'un accord, rien qu'un note, peut-être, un refrain qui sauverait la belle voix de Paul Banks du marasme dans lequel elle aura bien fini de sombrer. Un signe pour continuer d'espérer. L'aumône d'un sourire, d'un regard.
Mais non. Après des mois, il faut renoncer, comme on fait finalement sa valise dans le silence. Tristement résigné d'être allé au bout de l'espoir, de l'attente elle-même. Interpol n'a plus rien à offrir, depuis de longues années déjà et l'on n'a déjà que trop gâché sa jeunesse sonique à ne pas vouloir l'admettre. |