Il est des bandes originales de film qui sont entrées dans la légende, parfois tout à fait indépendamment du film lui-même, le plus souvent parce qu'elles ont su être aussi excellentes que lui. On ne fera pas au lecteur l'affront de lui rappeler la liste de ces titres de film qui sont devenus, pour le mélomane et / ou cinéphile, des titres de disques, que cette valeur soit liée à une créativité ou une inspiration particulière, à une efficacité pop (comme on le dirait de la culture populaire, pas nécessairement de la pop musique, c'est-à-dire dans une capacité à s'ancrer dans un imaginaire commun) ou même simplement pour la capacité qu'elles auront eu de fusionner totalement avec une œuvre cinématographique de valeur – on n'en finirait pas en effet d'énumérer les pièces maîtresses.
Certaines de ces bandes originales ont d'ailleurs su prendre une vie propre, se faire entendre pour elles-mêmes, au point que l'on ignore ou oublie parfois qu'elles sont ou étaient destinées à se mettre au service d'une œuvre parlant l'autre langue des images animées. N'est-ce pas d'ailleurs le gage de qualité ultime, pour ce qui pourrait n'être (et n'est bien souvent, tristement) qu'une illustration sonore, un vague accompagnement audio, à peine mieux qu'un bruit de fond sur des images, que de pouvoir au contraire être écouté pour soi-même ? que d'avoir développé une force expressive propre, capable de porter l'imagination de l'auditeur parfois même au-delà des limites d'un scénario déterminé ?
Clairement, la bande originale du film L'autre monde (Gilles Marchand, 2010) n'est pas de cette catégorie. Sur le papier, elle avait pourtant de solides arguments pour convaincre, à commencer par la collaboration des excellents M83, dont les albums sont des plus recommandables. Malheureusement, l'heure de musique accumulée digresse d'un univers à l'autre, de pièces rapportées en poncifs filmiques, parfois à la limite du kitsch (ces nappes violoneuses atmosphériques dues à Emmanuel d'Orlando...). Une B.O à la hauteur, peut-être, du film lui-même, qui n'a pas reçu à sa sortie d'accueil critique ou public très favorable. Un document sonore à réserver strictement aux éventuels fans du long-métrage, tandis que l'on recommandera chaudement aux autres de jeter une oreille attentive, à Before the dawn heals us (2005) ou Dead Cities, Red Seas & Lost Ghosts (2003), par exemple. |