Drame de Bertold Brecht, mise en scène de Jean-Michel Vier, avec Valérie Alane, Sylvain Katan, Charlotte Rondelez, Guy Segalen, Pierre Val et Cédric Villenave.
Brecht revisite le "Dom Juan" de Molière. Mais alors que Jean-Baptiste Poquelin faisait de son héros un seigneur, certes athée et hypocrite, mais séducteur et conquérant, Bertold Brecht souligne la personnalité cynique, égoïste et ridicule du personnage.
Le "Don Juan" de Bertold Brecht séduit ses auditeurs, et en particulier les femmes et ses créanciers, par sa verve mais sa personnalité est vide. Il n'est plus du tout un libre penseur, mais un libre jouisseur qui n'amène autour de lui que misère, désolation et mort. Brecht a travaillé à l'adaptation de cette pièce en 1953, alors qu'il était revenu à Berlin Est.
A l'heure de la mise en pratique des théories marxistes sur la lutte des classes, Don Juan devient un parasite social à la cruauté joyeuse. Peut-être le fait que la vie amoureuse de Bertold Brecht soit particulièrement tourmentée en cette année 1953 n'est-il pas étranger au choix de cette pièce pour une adaptation.
La mise en scène de Jean-Michel Vier est nerveuse, le rythme soutenu qui convient à la lecture comique que Brecht donne du personnage de Don Juan. Sa direction d'acteurs s'inspire d'une part de la gestuelle des comédies italiennes, d'autre part elle rappelle que Brecht s'inspirait beaucoup des clowns, comme Chaplin ou Valentin.
L'interprétation de Pierre Val est magnifique, tantôt sûr de lui et séducteur, la préciosité de sa voix, quand elle s'égare dans les aigües, révèle le personnage faux qui fuit les lieux de ses précédents larcins plutôt qu'il ne vole vers de nouvelles conquêtes. Face à lui, Sylvain Katan campe avec talent un Sganarelle fanfaron et bravache mais qui reste loyal à son maître.
Dans le choeur des personnages Valérie Alane, Charlotte Rondelez, Guy Segalen et Cédric Villenave incarnent la société dont Don Juan se moque, promettant services, argent ou mariages, promesses qu'il s'empresse de ne jamais tenir. Pourtant ce sont eux qui, alors que le commandeur fera tomber le rideau sur ce jeu de dupes, continueront à la réclamer.
Encore une fois le théâtre de Brecht réussit à aller au-delà de son premier thème pour proposer une critique de la société moderne, dominée aujourd'hui par des Madoff ou fascinée par le comportement de séducteurs dont on suit les frasques dans les magazines. |