Spectacle de cirque de la Compagnie Attention Fragile conçu par Gilles Cailleau et mis en scène par Luc Chambon.
"Le tour complet du cœur", c’est tout Shakespeare - ou presque - en 3 heures, surgi d’une roulotte, de bricolages de génie et d’un acteur passionné, le tout sous un petit chapiteau planté dans un théâtre.
C’est un acrobate musicien marionnettiste qui incarne une troupe, une famille épique menée par un patriarche érudit et facétieux, Antoine Garamond. "Le tour complet du cœur", c’est donc du théâtre dans du théâtre dans du théâtre. Et ça ne fait pas mal à la tête.
Gilles Cailleau a planté sa tente marocaine à la Cartoucherie. On y découvre une petite roulotte, une petite scène et une petite tribune où se tasse une soixante de personnes (emportez un coussin). Grâce à quelques ellipses et raccords, moyennant, certes, un certain dégoût des puristes et à l’aide de fils de fer, bidouillage et bric-à-brac enchanteur, Shakespeare prend vie.
Avec le concours du public - préparez-vous à être sonorisateur d’un soir, Roméo ou travesti -, d’un accordéon et d’un alto, Gilles Cailleau donne à voir un Shakespeare vivant, essentiel, trublion et nécessaire, celui de la Compagnie Antoine Garamond.
Tour à tour, il incarne chacun de ses membres et montre la poésie ténue, la fragilité de la vie de saltimbanque, la gracilité et l’éphémère des artistes ambulants. Le père, ardent, impérieux, exalté, pesant, écrase le reste de la famille de sa passion. Les enfants grandissent à l’ombre du monstre Shakespeare et se doivent de monter sur scène, avec plus ou moins de bonheur.
Le jeune fils d’Antoine nous raconte le "Conte d’hiver" à partir d’un dessin. Il dévie, bifurque et digresse avec un bonheur radieux, emportant le public hilare. Fils aîné, libéré du joug paternel, il saute joyeusement quelques pièces secondaires non sans les résumer rapidement, au cas où le père vérifierait. On ne saura ainsi pas véritablement de quoi est fait "Coriolan" mais on pourra toujours se réconcilier et briller en société grâce aux succulents "pitchs" des tragédies biffées.
Redevenu Gilles Cailleau, il résume l’irrésumable, distribue appeaux et outils de bruitage pour une reconstitution inoubliable de "La Tempête" dont on ne ressort pas sans une grande foi en un théâtre comme aventure collective. |