Comédie adaptée d'après trois oeuvres de Marivaux, mise en scène Gilberte Tsaï, avec Yannis Bougeard,
Denis Boyer,
Amélie Esbelin,
Laure-Hélène Favennec,
Aurore James,
Cédric Laurier, Mathilde Monjanel,
Aurélie Ruby,
Ismaël Tifouche Nieto et Thomas Visonneau.
Le dernier projet de Gilberte Tsaï avant de quitter le Nouveau Théâtre de Montreuil dont elle assure la direction depuis 2001, a été conçu spécialement pour le plaisir de travailler avec les jeunes comédiens qu'elle a engagés en contrat de professionnalisation pour une saison et pour lequel elle évoque, dans sa note d'intention, le parallèle entre l'utopie explorée par Marivaux dans ces pièces et l'utopie qui consiste à fonder une nouvelle troupe.
"Le jeu de l'île", titre à double sens, consiste en une compilation de trois opus marivaldiens, "L'île des esclaves", "L'île de la raison" et "La colonie", qui, resserrées, sont données dans l'ordre chronologique de leur écriture sous forme d'un triptyque présenté comme des illustrations de l'argumentaire d'un pseudo-philosophe sur un monde nouveau.
L'action de ces pièces, qui n'appartiennent pas au corpus des comédies sur la métaphysique de l'amour mais à celui des apologues sur l'ordre moral et qui vise à la thérapie morale, et non à la contestation de l'ordre politique, et qui repose notamment sur le procédé cher à l'auteur de l'inversion des rôles, se déroule dans un cadre identique, celui d'une île.
L'insularité constitue le lieu symbolique de l'utopie, lieu clos propice à l'expérimentation qui induit le parallèle avec la scène de théâtre, personnages et comédiens se confrontant à de nouveaux rôles. Et la force de Gilberte Tsaï est de parvenir au terme d'une mise en scène classique, jeu en costumes sans recontextualisation dans un sobre décor de no man's land lunaire de Laurent Peduzzi, à la représentation de l'action utopique, qui comporte une part de féerie, sans obérer le jeu de la comédie et la confrontation des caractères.
Et c'est sa déclinaison de "L'île de la raison", jugée sévèrement par son auteur comme une comédie non propice à la représentation ("Point d’intrigue, peu d’action, peu d’intérêt"), qui s'avère la plus réussie en ce qu'elle transporte le spectateur dans un pays imaginaire de la sagesse et de la raison d'inspiration nettement asiatique où "les petits hommes", que leurs errements ont rendu lilliputiens, sont figurés par de judicieuses marionnettes réalisées par Pascale Blaison à l'effigie des comédiens et manipulées par ces derniers.
Yannis Bougeard, Denis Boyer, Amélie Esbelin, Laure-Hélène Favennec, Aurore James, Mathilde Monjanel, Aurélie Ruby et Thomas Visonneau, issus de la dernière promotion de l'Ecole Supérieure professionnelle de théâtre du Limousin dirigée par Pierre Pradinas, Ismaël Tifouche Nieto, issu de l'ENSATT Lyon, et Cédric Laurier, formé à l'Ecole Supérieure Nationale des Arts de la Marionnette, forment une jeune troupe homogène, même si certains affirment déjà un métier plus aguerri ou un emploi plus affirmé, qui dispense un spectacle plaisant dans le plaisir et la fraîcheur du jeu se conjugue harmonieusement à la prose de Marivaux. |