Le jeune d'aujourd'hui n'a jamais vraiment ressenti la transe d'un rock hallucinatoire des années 70. Tout juste est-il capable de fredonner un peu bourré sur "Light my fire" en fond de soirée rétro.
C'est d'ailleurs le jeune d'aujourd'hui croyant avoir tout compris aux Pink Floyd qui s'avance sur la scène de l'Aéro, en première partie de The Black Angels.
Wall Of Death, c'est le nom de son groupe, qui est pourtant bien loin du métal apocalyptique qu'il présage. Il essaie plutôt de nous proposer un revival de rock progressif, à grands coups de solos de guitare psychédélique et de voix torturée.
Et c'est bien là que le bât blesse : là où les amis du jeune trouvent l'exercice de style sympathique, les autres sourient face à ce dépoussiérage raté, bien tenté mais qui s'écroule à chaque parole du chanteur. Le groupe ferait mieux de se trouver une nouvelle voix, et bien vite, tant l'actuelle bride la performance qui, du reste, aurait pu être appréciable.
Le jeune d'aujourd'hui est un peu idiot, il faut l'avouer. On lui a dit que les Black Angels c'était bien et "total trippant", ça lui suffit à être de la partie. Avec quelques verres de trop qui le font beugler d'un bout à l'autre de la salle. Pour "tripper", il faut bien se mettre en condition. D'ailleurs, il commence presque déjà à divaguer en fixant la pochette du dernier album, Phosphene dream, qui s'affiche en fond de scène.
The Black Angels, c'est acide, limite corrosif. La blonde se démène à la batterie, le barbu gémit et crie, le bassiste pose les jalons de ces morceaux transcendants qu'on croirait par moments invocations chamaniques. Dommage que le jeune ne connaisse pas vraiment leurs albums, il saurait apprécier la setlist plutôt bien équilibrée : retrouvailles de vieux morceaux aimés tels que "Mission district", hypnotique, ou le très bon "You on the run" en rappel, mais aussi découverte des nouveaux tubes moins sombres à tendance Beach Boys tels que l'emballant "Telephone".
Le groupe commence à étirer son répertoire avec l'exercice réussi de "Phosphene dream", qui pioche dans de nouveaux genres, tout en gardant leur identité lancinante et hypnotique.
Le jeune est conquis, en est pour preuve ses hochements de tête en écoutant "Science killer" : il est envoûté. Pour les autres, la transe tarde à venir.
Cette musique si prenante appelle à la proximité, et la grande salle de l'Aéronef semble quelque peu surdimensionnée. On regrette d'entendre un son aplati, privé des richesses qu'une performance live aurait pu sublimer.
The Black Angels ont déroulé une prestation impeccable, à la hauteur de leurs enregistrements. Le connaisseur regrettera peut-être un peu la platitude de l'ambiance, mais le jeune lui repartira ravi de la découverte. Quoiqu'il en soit, tous sont sortis de la salle en ayant la même mélodie en tête : "You never call my name...". Le groupe a réussi l'exploit de poser une autre brique dans le mur d'un rock qui est inlassablement au goût du jour. |